La Monusco en mission de protection à Misisi : redynamiser les mécanismes d’alerte pour la sécurisation des civils.

La Monusco en mission de protection à Misisi : redynamiser les mécanismes d’alerte pour la sécurisation des civils.
18 oct 2016

La Monusco en mission de protection à Misisi : redynamiser les mécanismes d’alerte pour la sécurisation des civils.

Misisi, le 14 octobre 2016 - Une équipe pluridisciplinaire de la Monusco-Uvira vient de boucler une mission de 4 quatre jours à Misisi en Territoire de Fizi. Elle était composée du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme, des Sections d’Appui à la Justice, Affaires civiles, Protection de l’Enfant, DDR-RR, Police civile des Nations Unies et de l’Information publique. Du 11 au 14 octobre, cette forte délégation de la Monusco appuyée par des Casques bleus pakistanais s’y est rendue pour identifier et évaluer les risques (voire menaces) sécuritaires liés à la protection des civils et leurs implications sur la population dans cette localité située à 222 kilomètres au sud d’Uvira. Il y a quelques jours, plus exactement dans la nuit du 16 au 17 septembre 2016, un homme et une femme avaient été abattus dans une boutique à Misisi par un individu en tenue civile mais armé d’un fusil. L’assassin aurait aussi emporté avec lui la recette du jour.

En réaction à ce double assassinat et surtout en signe de protestation contre «l’incapacité des forces de l’ordre à assurer la sécurité des personnes et de leurs biens face à l’insécurité grandissante », la population locale avait incendié le marché ainsi que les symboles de l’Etat congolais, à savoir les bureaux de la PNC, des FARDC, de l’ANR, de la DGM, des Parquets civil et militaire, après avoir délogé de force leurs occupants ! La riposte organisée par la Police congolaise et les FARDC avait conduit à un affrontement sanglant avec la  population, au sein de laquelle, selon diverses sources locales, environ une dizaine de personnes avaient été blessées dont 6 graves. Des sources médicales, ces personnes avaient été blessées par balles, armes blanches et jets des pierres. Depuis lors, la tension avait atteint un niveau inquiétant, avec des cas de justice populaire ayant entrainé mort d’au moins 8 personnes.

Durant son séjour à Misisi, la délégation de la Monusco a eu de nombreux entretiens ; parmi ceux-ci, les Fardc. Le Commandant du 3302e régiment à Lulimba, le colonel Tshimanuka Joseph alias Tshikas reconnait la difficulté éprouvée par la Justice militaire à punir les prévenus arrêtés en flagrance. « Beaucoup de malfrats sont relaxés après leur arrestation et retournent dans la Cité », affirme cet officier des FARDC qui ajoute : « cela nous donne du fil à retordre et nous sommes l’objet de critiques de la part des civils ».  Pour lui, le souhait serait de mettre en place un mécanisme de contrôle des mouvements d’entrée et de sortie à Misisi, localité qui compte près de 200 000 personnes dont 60% non originaires qui proviennent d’ailleurs à travers la RDC et des pays voisins. Trois quart de la population locale de Misisi vivent dans des montagnes d’où ils supervisent des puits de minerais d’or. Le système d’exploitation ici se fait par heure, mais « les plus forts parmi certains militaires FARDC, au service des autorités civiles et militaires, ne respectent pas ce délai d’exploitation octroyé par les propriétaires civils », explique le président de la Fédération des Entreprises du Congo, FEC/Misisi.

Un tola d’or (environ 100 grammes) est vendu à 500 dollars américains. Mais ce prix est revu à la hausse quand le produit se négocie à Uvira, Bukavu ou dans les pays voisins. Selon d’autres interlocuteurs rencontrés à Misisi par la délégation de la Monusco, à savoir les représentants des Entités coutumières et la Société civile, l’exploitation des mines d’or reste la source principale de l’insécurité dans cette localité où depuis les derniers incidents, quelque 250 jeunes appelés « Balala rondo » sécurisent la Cité. Un véritable danger, reconnaissent les Chefs coutumiers qui expliquent cela par l’absence de l’autorité de l’Etat. Le vice-président de ce groupe d’autodéfense populaire, Akala Amisi Ngama, insiste : « avant de dissoudre ce groupe, nous exigeons la relève de tous les éléments, soldats et officiers du 3302e régiment qui viennent de passer 6 ans dans cette région ainsi que la permutation des responsables de l’ANR, de la DGM et de la Police ».

Des recommandations reçues des acteurs locaux rencontrés, on retiendra entre autres que la population locale plaide pour un retour permanent des Casques  bleus à Lulimba situé à 12 kilomètres de Misisi, comme cela fut le cas jusqu’en 2014. Autre recommandation : la Société civile souhaiterait être capacitée en matière de gestion pacifique des conflits, d'alerte précoce, de cohabitation pacifique, et du respect des droits de l'homme : cela, pour éviter la justice populaire.

Jean-Tobie Okala & Fiston Ngoma

Photos: Fiston Ngoma/Monusco