Interview : Le Général Babacar Gaye sur Radio Okapi

5 déc 2012

Interview : Le Général Babacar Gaye sur Radio Okapi

Goma, 3 décembre 2012 – De passage à Goma, province du Nord Kivu, du 1er au 2 décembre 2012, le Général Babacar Gaye, Chef du Département militaire des Opérations de Maintien de la Paix et Conseiller militaire du Secrétaire général des Nations Unies, a accordé une interview sur Radio Okapi. Lire l'interview dans les lignes qui suivent.

RADIO OKAPI : QU'EST-CE QUI EXPLIQUE VOTRE VISITE ICI AU NORD-KIVU, QUEL EST LE BUT DE VOTRE SEJOUR ?

BABACAR GAYE : J'ai été envoyé ici par Mr. Ladsous [Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint aux Opérations de Maintien de la Paix], en tant que chef du département militaire des opérations de Maintien de la paix, pour apporter le soutien du Département à tout le personnel des Nations Unies aujourd'hui présent à Goma, civils, militaires et policiers. Ces personnels ont vécu des moments difficiles, et ils ont, par leur présence, apporté le maximum de soutien à la population, premières victimes du récent développement qui a eu lieu dans le Kivu et particulièrement à Goma. Je suis venu également voir avec les militaires de la brigade du Nord-Kivu, comment ils vont mettre en œuvre les tâches qui leur ont été prescrites par le Conseil de Sécurité et cela par rapport aux dernières décisions qui ont été prises lors du dernier sommet de Kampala. Donc c'est une démarche de soutien et d'évaluation de la situation. Et au-dessus de tout cela, il y a l'évaluation de ce que nous faisons à la MONUSCO durant cette période. Et je dois dire que nous félicitions tout notre personnel de tout ce qu'il a pu faire jusqu'ici.

Q : PAR RAPPORT A L'EVOLUTION DE LA SITUATION, LES REBELLES DU M23 ONT QUITTE LA VILLE ; NOUS APPRENONS QUE LES FARDC VONT REGAGNER LA VILLE DE GOMA CE JOUR ; EST CE VRAI ? ET CE SERA DANS QUELLES CONDITIONS ?

Ce qui a été convenu lors du dernier sommet de Kampala, c'est qu'effectivement un bataillon des FARDC rejoigne Goma et que la police soit de nouveau déployée. Je crois que la police est déjà déployée. Il ya eu quelques incidents à son arrivée mais tout cela a déjà été réglé. Je crois aussi que le Chef d'Etat major de l'armée de terre, le Général Olenga, n'a pas l'intention de se précipiter, mais il tient beaucoup à ce que le bataillon qui va être déployé ici soit bien préparé, se comporte bien et contribue à rassurer la population. C'est ça qui, aujourd'hui, est le véritable enjeu.

Q : VOUS AVEZ EVOQUE L'EVALUATION DU TRAVAIL DES CASQUES BLEUS. LA POPULATION SOUHAITERAIT QUE LE MANDAT DES CASQUES BLEUS SOIT REVISITE ET ROBUSTE POUR FAIRE FACE AUX REBELLES. EST-CE QUE VOUS CROYEZ QUE LE MANDAT DE LA MONUSCO SERA REVU PAR RAPPORT A LA SITUATION ACTUELLE ?

C'est le Conseil de Sécurité qui donne le mandat et c'est lui qui fait la revue du mandat. C'est vrai qu'il ya aujourd'hui une intention du Conseil de Sécurité d'étudier plusieurs options pour l'avenir de la force. Cette demande a été faite par la Résolution 2076 au Secrétaire général, et effectivement il y a aujourd'hui une réflexion en cours sur ce que seront demain les actions de la MONUSCO. Mais il faut savoir que tout ce qui se fait en maintien de la paix se fait en partenariat entre le Conseil de Sécurité, les pays contributeurs et enfin le Secrétariat qui fait un travail préparatoire. Et bien sur, à mon retour, je ferai mes observations, je donnerai mes sentiments, mes impressions par rapport à ce développement.

Q : QUEL EST VOTRE MESSAGE A LA POPULATION QUI A DES CRAINTES, CAR LES REBELLES NE SE SONT PAS RETIRES LOIN DE GOMA ; ET POUR EUX, SI LES NEGOCIATIONS, LES DEMARCHES DIPLOMATIQUES ET POLITIQUES N'ABOUTISSAIENT PAS, IL Y A DES CRAINTES QUE LES REBELLES REVIENNENT DE NOUVEAU.

Vous savez, s'adresser à la population est de la responsabilité du gouvernement légitime de ce pays, des élus, représentants de la population. Mais en tant que militaire onusien, ce dont je dois assurer la population, c'est la détermination des Casques bleus à mettre en œuvre leur tâche, du mieux de leur possibilité; c'est ce qu'ils ont fait durant cette période. Il ne faut pas que certains symboles comme voir une troupe non gouvernementale entrer dans une capitale régionale -- bien sûr c'est une image qui marque profondément la population --, mais il ne faut pas que cette image occulte l'ensemble des actions qui ont été menées par les Casques bleus tout au long de cet axe Rutshuru-Goma, qui aussi, quatre ans auparavant à connu le même développement. Il ya une récurrence de problèmes qui prouvent qu'il faut les traiter à leur base. Qu'il ne faut pas simplement s'arrêter sur les symptômes. Je sais qu'il y a de la souffrance au sein de la population, des frustrations au sein des autorités, de voir entrer dans leur capitale régionale des troupes non-gouvernementales; Mais il faut savoir raison-gardée par rapport à l'action de la MONUSCO.

Interview réalisée par Sifa Maguru/ Radio Okapi/ MONUSCO