Ituri : un projet d’aquaculture de la MONUSCO pour apaiser les tensions à Djugu
Il y a six mois, la MONUSCO lançait un projet d’élevage de poissons en cages flottantes à Tchomia, un centre commercial situé à 62 km au sud de Bunia, en Ituri. Cette initiative visait à réduire les violences communautaires et à lutter contre le chômage par la création d’emplois temporaires, au bénéfice de 100 personnes, dont 50 femmes vulnérables et 50 ex-combattants, jeunes à risque ou sans emploi, ainsi qu’à favoriser la réinsertion socio-économique au sein de la communauté.
Située sur les rives du lac Albert, la pêche constitue l’activité principale pour les habitants de Tchomia. Les jeunes y grandissent dans un environnement étroitement lié aux activités halieutiques.
Cependant, la surexploitation du lac a conduit à la disparition de nombreuses espèces. Selon la Division provinciale de la Pêche et de l’Élevage, seules 15 des 60 espèces recensées autrefois subsistent aujourd’hui. Face à cette situation, le projet de la MONUSCO propose une alternative durable grâce à une nouvelle méthode d’élevage en cages flottantes.

Depuis son lancement, 53 000 alevins de tilapia ont été introduits, 100 bénéficiaires ont été formés à la fabrication de cages flottantes (de 5 m² et 3 mètres de profondeur) à partir de matériaux respectueux de l’environnement (fûts en plastique, tuyaux en PVC). Des filets ont été installés, les cages fertilisées, les poissons nourris. Ainsi, la récolte est prévue sous peu.
Avantages multiples
« Ce projet est innovant pour cette communauté de pêcheurs souvent confrontée à des tracasseries, notamment la saisie de matériels de pêche interdits. La pêche traditionnelle comporte de nombreux risques : des nuits passées sur le lac avec les dangers d’attaques ou de noyades. Ce projet contribue à réduire ces risques », explique Florent Gbombo Nzama, coordonnateur du Réseau des Associations pour le Développement Durable (RAD), structure chargée de l’exécution du projet en appui au P-DDRCS.
Le projet présente également d’autres bénéfices : il contribue à la protection des zones de frayère et à la régénération des espèces. « De nombreux pêcheurs abandonnent déjà leurs anciennes pirogues et filets prohibés fabriqués avec des moustiquaires au profit des cages flottantes. Cela permet au lac de se régénérer et aux poissons de se reproduire », ajoute-t-il.
Alternative à l’enrôlement armé
Les bénéficiaires directs sont répartis en quatre groupements piscicoles de 25 membres chacun, dans la perspective de leur évolution vers des coopératives durables et résilientes sur le lac Albert. L’objectif est de pérenniser cette activité et de lutter durablement contre le chômage, l’un des principaux facteurs d’enrôlement des jeunes dans les groupes armés.

Claude Uyergiu-Ujwiga, 42 ans, pêcheur et encadreur des travailleurs depuis plus de six mois, salue cette initiative : « On peut investir 5 000 dollars dans du matériel de pêche pour peu de rendement. Ce projet réduit les coûts tout en garantissant un bon rendement. Il a aussi permis de détourner de nombreux jeunes des groupes armés qui profitent souvent de leur inactivité ».
Parmi les bénéficiaires figure Lokolo Lumeri, 51 ans, ancien combattant ayant passé trois ans dans une milice locale : « Ce projet a été une bénédiction pour moi. Je faisais du taxi-moto avec des engins qui ne m’appartenaient pas. J’ai huit enfants et les revenus étaient insuffisants. Grâce à ce projet, j’ai appris à pêcher, mes revenus vont augmenter et je pense déjà à acheter une petite maison. J’ai compris qu’on peut s’en sortir et même faire évoluer sa communauté autrement que par les armes ».

Une chambre froide à Bunia
Le 12 juin, la MONUSCO a également inauguré une chambre froide d’une capacité de 10 tonnes au marché de Yambi à Bunia, dans le cadre du même projet. « C’est la toute première chambre froide de ce marché. Nous avions de grandes difficultés à conserver le poisson avec seulement des blocs de glace achetés chaque matin à 2 000 ou 4 000 francs congolais », témoigne une vendeuse de poisson présente lors de la cérémonie, marquée par la coupure de ruban par le chef de bureau de la MONUSCO en Ituri.
Josiah Obat s’est dit « très satisfait de ce projet, symbole d’unité, de réconciliation et de paix au sein de la population ». Il a ajouté : « Nous espérons voir toutes les communautés vivre ensemble, comme une seule famille. La MONUSCO sera toujours à vos côtés, tant que son mandat sera renouvelé par les autorités du pays ».
Désormais, de Tchomia à Bunia, en passant par Kasenyi, Bogoro et d’autres localités, les femmes vendeuses de poisson ne seront plus contraintes de brader leur marchandise en fin de journée faute de moyens de conservation. Le poisson pourra être conservé à -18 °C et vendu frais pour le plus grand plaisir des consommateurs.
