Beni : trente femmes, déplacées de guerre, apprennent un métier pour sortir de la précarité
Ornella a 18 ans. En mai 2023, avec sa famille, elle a dû fuir Oicha où elle vivait, après une incursion armée des rebelles ADF, pour trouver refuge dans la ville de Beni. Une vie de personne déplacée faite de précarité et de manque. C’est pour aider des femmes dans sa situation que le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme de la MONUSCO (BCNUDH) a financé une formation en coupe et couture.
Elles sont trente, entre 18 et 30 ans, victimes des atrocités de la guerre : violences sexuelles, enlèvement, torture, pillage de biens, grossesses précoces, habitations incendiées et déplacements forcés dans le territoire de Beni au Nord-Kivu, entre 2022 et 2024. Loin de leurs villages d’origine, plusieurs d’entre elles sont contraintes à la mendicité pour faire vivre leur famille.
L’autonomie par le travail
Depuis mardi 10 septembre, ces femmes et filles avouent pouvoir envisager l’avenir avec un peu plus de sérénité. Elles ont achevé une formation de deux mois en coupe et couture à l’Institut national de préparation professionnelle (INPP) à Beni.
Une formation initiée et financée par le BCNUDH, avec la MONUSCO/Beni, et qui entre dans le cadre du Projet d’assistance aux victimes des graves violations des droits humains. « Vous qui n’aviez pas un emploi, désormais, vous l’aurez grâce à cette formation en coupe et couture financée par la MONUSCO et mise en œuvre par l’INPP. Elle vous permettra de vous autonomiser progressivement et de vous mettre à l’abri de la mendicité dont certaines d’entre vous vivaient jusqu’ici », s’est félicité le chef du bureau de liaison de l’INPP, Homère Kambale Kavunga, lors de la cérémonie de clôture de la formation.
Ornella confie que la vie en tant que personne déplacée est difficile. Elle confie : « Je vis très difficilement depuis que nous sommes arrivés ici à Beni. Dans notre famille d’accueil, nous sommes 12 personnes, manger, c’est difficile, on mange ce qu’on trouve, quand il n’y a rien à manger, on dort ».
Pour nourrir sa famille, Ornella a fait de petits boulots. Pas toujours suffisant pour prendre soin de tout le monde : « Je prends des poissons Thomson (chinchard) chez un poissonnier, je les fume pour les revendre. Je dois d’abord lui remettre le prix de son poisson et s’il reste quelque chose, c’est ça mon petit bénéfice qui varie entre 5000 et 8000FC certains jours. Mais c’est insuffisant pour nourrir toute la famille, d’autant plus que maman ne travaille pas », explique-t-elle.
« Je vais ouvrir un atelier »
Comme elle, les vingt-neuf autres femmes qui ont suivi cette formation ont reçu une machine à coudre. Des accessoires comme du tissu, du fil à coudre, des dés, des ciseaux, ainsi qu’un petit fonds de démarrage leur avaient déjà été octroyés. De quoi envisager désormais sereinement l’avenir.
« Je suis ravie car je vais commencer à coudre pour pouvoir gagner ma vie. J’ai appris à coudre jupes, pantalons, chemises, blouses et boubous pour hommes et femmes. Je vais abandonner le petit métier de fumage de poissons Thomson pour me consacrer à la couture. Je vais ouvrir un atelier de couture, ici, à Beni. Mon avenir maintenant est un peu plus clair, je me sens heureuse et rassurée », affirme Ornella qui exhibe fièrement son brevet de participation à la formation et sa machine à coudre.
Sifa nourrit les mêmes ambitions. Son bébé de trois mois arrimé au dos, elle affirme que pour rien au monde elle n’aurait manqué cette formation qu’elle a suivie alors que sa grossesse arrivait presqu’à terme. « L’enfant que je porte dans le dos est né pendant la formation », souffle-t-elle, visiblement émue.
Sifa affirme également qu’elle va ouvrir un atelier de couture à Beni. Pour elle, cette formation lui a «restitué», en quelque sorte, ce qu’elle avait perdu en fuyant avec son mari et leurs deux enfants Mangina, leur village, à 30 km de Beni, à cause des ADF qu’elle avait vu égorger des villageois.
Sifa en est convaincue, cette formation est un nouveau départ : « Mon mari ne travaille pas. Avec cette machine et les accessoires que j’ai reçus, je vais ouvrir un atelier de couture ici à Beni, je ne vais plus retourner à Mangina. Cette formation m’a donné une garantie d’espoir pour mon foyer ; elle me permettra de lutter contre la pauvreté, les maladies et de scolariser mes enfants. Vous avez assuré mon avenir, car cette petite machine vient combler le grand vide que les atrocités ont causé dans ma vie. J’ai dû fuir mon village, abandonner mes champs, pour venir vivre ici, sans revenus. Je vais recommencer ma vie, grâce à cette formation et à cette machine. »
Les participantes ont bénéficié d’un encadrement holistique tout au long de ce parcours : prise en charge médicale, prise en charge psycho-sociale, prise en charge juridique et judiciaire à travers la clinique juridique Great Lakes Human Rights Program (GLHRP), partenaire du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme.