Bana Éducation : l’apprentissage à distance pour les enfants déplacés, avec le soutien de Radio Okapi

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle préfère à l’école, Francine, 12 ans, lève les yeux avec un sourire timide. Ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est découvrir de nouvelles choses — surtout en sciences. Plus tard, elle rêve de devenir infirmière.
Francine vit sur le site de déplacés de Kigonze, à la périphérie de Bunia, en Ituri. Comme des milliers d’autres enfants, elle a fui les violences avec sa famille, laissant derrière elle son école, ses amies et ses repères. Aujourd’hui, elle vit chez sa tante et suit un programme de rattrapage scolaire à l’école primaire Saint-Luc, construite sur le site pour que l’apprentissage ne soit pas un souvenir perdu de l’exil.
C’est là qu’elle a découvert Bana Éducation, un programme radiophonique diffusé par Radio Okapi, conçu pour amener l’école jusqu’à celles et ceux qui n’y ont plus facilement accès.
Ce programme à la radio nous aide beaucoup. On apprend mieux les maths, le français et même les sciences. L’instituteur nous aide à bien suivre la leçon, explique-t-elle.
Quand l’apprentissage passe par les ondes
Dans l’une des salles de classe, l’instituteur ajuste le volume d’une enceinte connectée à un téléphone portable. Une trentaine d’élèves écoutent attentivement. La voix claire d’un éducateur à la radio résonne dans la pièce. Le cours du jour porte sur les gallinacés.
« Nous utilisons la radio en direct ou les rediffusions qu’on nous envoie. Grâce à une simple enceinte, les enfants suivent les leçons. On voit qu’ils comprennent mieux. Ils sont plus motivés », explique l’enseignant.

Dans cette école comme dans d'autres situées en zones à accès limité, Bana Éducation est devenu un pilier de l’enseignement. Une solution précieuse là où les manuels sont rares et les enseignants en sous-effectif.
Mis en place par Radio Okapi, ce programme accompagne les enfants en situation de décrochage scolaire ou vivant dans des zones touchées par les conflits. Il propose un appui pédagogique en mathématiques, sciences, français et culture générale, de manière simple, interactive et adaptée.
À l’école Saint-Luc, qui accueille 978 élèves, dont 555 filles, les enfants sont répartis en trois niveaux selon leur parcours scolaire. Le programme radiophonique est intégré aux cours pour élargir l’accès à l’éducation.
Des résultats concrets et encourageants
Loti Benoît, directeur de l’établissement, témoigne :
« Beaucoup d’enfants ici sont en situation de précarité. Certains ont perdu plusieurs années de scolarité après avoir fui les violences. Nous les accueillons parfois sans bulletin, sans historique clair. Bana Éducation est un soutien précieux. Les enfants veulent apprendre. Quand ils entendent la radio, leurs yeux brillent. »
Il souligne l’impact du programme, notamment pour les enfants en classe d’examen :
« Plusieurs questions de l’ENAFEP portaient sur des notions entendues dans les émissions, surtout en culture générale. Cela permet de renforcer leur niveau. »

Eliya, 14 ans, est en sixième primaire. Il a fui le territoire de Djugu avec sa famille. Il confirme l’utilité de l’émission :
« J’aime les cours de science. À l’ENAFEP, il y avait une question sur les ovipares. J’ai su répondre parce que je l’avais entendu dans Bana Éducation ! »
Son rêve : devenir médecin pour « soigner les gens de la communauté ».
Au centre de rattrapage scolaire TARAJA, également à Bunia, Évodi, élève de troisième niveau, raconte :
« Ce programme me sauve. Ce que je ne comprends pas bien en classe, je le réécoute à la maison pendant les congés. Une fois, j’avais un devoir sur les locutions adverbiales, je ne comprenais rien. Puis j’ai écouté Bana Éducation, j’ai bien fait mon exercice et eu une bonne note. »
L’éducation, même à distance
Bana Éducation est bien plus qu’une émission scolaire. C’est une lueur d’espoir diffusée chaque jour sur les ondes. Un rendez-vous que des milliers d’enfants attendent, parfois rassemblés autour d’un vieux poste radio dans leur centre d’accueil ou chez eux.
Dans une province marquée par des années de conflit, il redonne sens à l’apprentissage, structure les journées, apporte continuité… et surtout dignité.
En Ituri, dans une région encore marquée par les conflits, l’éducation reste un défi quotidien.
Aujourd’hui, grâce à cette initiative portée par Radio Okapi avec le soutien de la MONUSCO, l’aide prend une autre forme — celle d’une voix, d’un savoir, d’une leçon. Parce qu’un enfant qui apprend est un enfant qui espère.