Le RSSG expose les défis de la MONUSCO au Conseil de Sécurité
New York/Kinshasa, 15 octobre 2010 - Le dialogue entre la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo –la MONUSCO, qui a succédé à la MONUC le 28 mai dernier en vertu de la Résolution 1925– et les autorités du pays a « débuté sur de bonnes bases, bien que beaucoup de travail reste à accomplir », a déclaré, ce matin au Conseil de Sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Chef de la MONUSCO.
M. Roger Meece, qui présentait le rapport du Secrétaire généralet intervenait pour la première fois devant le Conseil depuis sa nomination, a toutefois insisté sur l'énormité des difficultés rencontrées dans l'est du pays et a répété que la Mission, avec ses moyens, ne pouvait assurer une protection complète de tous les civils sur un territoire « plus étendu que l'Afghanistan ». Tant que les groupes armés resteront actifs, les activités de maintien de la paix iront de pair avec les activités de consolidation de la paix et de redressement économique, a-t-il ajouté, en appelant au soutien de la communauté internationale dans tous ces domaines.
Le Représentant spécial a expliqué au Conseil de sécurité qu'il s'était fixé comme priorité, dès son arrivée à Kinshasa il y a trois mois, de « nouer un dialogue constant et constructif » avec le Gouvernement du pays. Malheureusement, a-t-il ajouté, une « série d'événements graves », y compris les attaques et viols de masse au Nord-Kivu et une « escalade inquiétante de la violence en général », l'ont obligé à passer une bonne partie de ses premières semaines dans l'est du pays.
Les attaques atroces commises au Nord-Kivu, en juillet et août, ont clairement démontré l'importance de la protection des civils et ont donné lieu à un réexamen approfondi des activités de protection de la MONUSCO, a expliqué le Représentant spécial, qui a affirmé au Conseil que cet examen ne « serait pas une activité ponctuelle ».
La MONUC avait joué un rôle de pionnier, a affirmé M. Meece, qui a toutefois ajouté que la Mission s'était engagée plus avant, en augmentant les patrouilles militaires, en étendant les réseaux de téléphonie cellulaire ou de radio ou encore en améliorant la communication avec les populations.
Toutefois, en raison des atrocités commises en juillet et en août dans le Nord-Kivu, la MONUSCO a estimé nécessaire d'afficher une posture militaire plus visible et plus active, a expliqué M. Meece, qui a ainsi justifié l'opération « Vitrine » (Operation « Shop Window »), menée par la MONUSCO du 1er au 18 septembre. Bien que les Forces armées de la RDC aient été tenues pleinement au courant, ce fut une opération unilatérale de la MONUSCO, « la première du genre depuis très longtemps », a précisé M. Meece. Le Représentant spécial a estimé qu'elle avait été aussi bien accueillie par les militaires congolais que par le Gouvernement et avait « atteint ses objectifs principaux, au moins à court terme ». Il a estimé qu'il était dans l'intérêt de la Mission de « conserver une position militaire plus active dans le cadre des ressources disponibles ».
M. Meece a rappelé que l'ONU était parvenue à multiplier le nombre de ses bases militaires, qui atteint aujourd'hui 90, ajoutant que ce nombre dépassait les capacités actuelles en matière de soutien. L'ouverture de nouvelles bases devra être compensé par la fermeture de bases existantes », a-t-il ajouté, avant de mettre l'accent sur les contraintes budgétaires et le nombre limité d'hélicoptères dont dispose la Mission.
Le Représentant spécial s'est voulu franc en déclarant que « ces activités de la MONUSCO ne pouvaient pas résoudre tous les problèmes de sécurité dans l'est de la RDC ». Il a rappelé que la Mission était confrontée à des problèmes immenses, faisant état de 15 000 viols commis l'an dernier dans la région. Il a rappelé que les groupes armés opéraient dans de nombreuses régions très dispersées, parfois au milieu de la population, et que la zone concernée était « plus étendue que l'Afghanistan ». Il n'est donc « pas possible » pour la MONUSCO de protéger pleinement tous les civils. Il faudrait, pour cela, un niveau de forces nettement supérieur et des ressources supplémentaires. Dans ce contexte, les forces gouvernementales ont la responsabilité première d'assurer la sécurité des Congolais, a-t-il rappelé.
En outre, même des opérations militaires bien menées à court terme ne pourront de toute façon pas assurer la sécurité à long terme dans le pays, a averti le Représentant spécial, qui a fait remarquer que la menace des groupes armés exigeait une stratégie plus large, allant bien au-delà de la seule pression militaire.
Rappelant que la coopération opérationnelle des forces de la MONUC avec les Forces armées de la RDC était conditionnée au respect par ces dernières des droits de l'homme, M. Meece a fait observer que ces conditions étaient de plus en plus considérées par les militaires congolais comme une contrainte à éviter. C'est pourquoi, il a adopté une nouvelle approche lors de ses discussions avec les militaires congolais, en mettant davantage l'accent sur les opportunités que sur les problèmes. Le Représentant spécial a néanmoins estimé que le dialogue avec les dirigeants de la RDC avait « débuté sur de bonnes bases, bien que beaucoup de travail reste à accomplir ». Il a souligné que ce dialogue était indispensable pour le bon déroulement des opérations en cours comme pour l'accomplissement d'objectifs à plus long terme.
M. Meece a mis l'accent sur l'importance de la réforme du secteur de la sécurité en RDC, assurant que la MONUSCO y travaillait avec de nombreux partenaires internationaux. Le Gouvernement a demandé à la MONUSCO de renforcer les programmes de formation, ce qui supposera davantage de ressources de la part des Nations Unies comme des autres donateurs, a-t-il ajouté. M. Meece a aussi insisté sur l'importance de la lutte contre l'impunité. Il s'est félicité de la bonne collaboration de la Mission avec le bureau du procureur militaire, de l'arrestation au Nord-Kivu du lieutenant colonel Sadko Kikonda Mayele, un chef des milices Maï-Maï Cheka, et celle, en France, du secrétaire général des FDLR, Callixte Mbarushimana, sur la base d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Ce sont, a-t-il estimé, des « mesures prometteuses ».
Tout en se disant convaincu que l'on peut améliorer le processus de concertation avec les autorités congolaises, le Chef de la MONUSCO a estimé qu'il faudrait traiter de nombreux autres problèmes qui affectent l'est de la RDC, y compris l'exploitation illicite des ressources naturelles. Dans ce domaine comme dans d'autres, il faut renforcer les capacités nationales de la RDC, a-t-il ajouté.
M. Meece a par ailleurs expliqué que les autorités de la RDC accordent une grande importance à la bonne tenue des élections nationales prévues en novembre 2011. Il a estimé que les choses étaient en bonne voie, avec le soutien de la MONUSCO et du PNUD. Il faudra ensuite s'engager dans de nouveaux travaux pour garantir la bonne tenue des élections locales prévues en 2013, a-t-il ajouté. Le Représentant spécial s'est aussi félicité de l'amélioration des relations régionales et notamment de la manière dont plusieurs pays voisins se concentrent sur la menace que représente l'Armée de libération du Seigneur (LRA).
« Nous voulons jouer notre rôle, renforcer les opérations militaires et la protection des civils et mener à bien nos programmes de stabilisation », a répété le Représentant spécial. Il a toutefois insisté sur la nécessité pour la MONUSCO de disposer des ressources adéquates pour lui permettre de s'acquitter de son mandat. « Nous devons clairement exposer nos besoins budgétaires et utiliser avec la plus grande efficacité possible nos ressources », a-t-il ajouté avant de conclure.