Nord-Kivu : la MONUSCO ferme une nouvelle base militaire dans le territoire de Beni
Il s’agit de la base militaire de Kamango, chef-lieu de la chefferie de Watalinga à environ 80 kilomètres au nord-est de la ville de Beni au Nord-Kivu. Etablie il y a dix ans pour contrer la menace que représentaient alors les rebelles des ADF, cette base a été fermée officiellement jeudi 6 avril 2023 et remise aux autorités locales qui ont salué l’excellent travail effectué par les casques bleus de la MONUSCO pour sécuriser les populations civiles. C’est donc sans crainte aucune qu’elles ont réceptionné les installations et équipements laissés par la MONUSCO qui se retire de la zone à la faveur de la paix et de la sécurité revenues, et conformément au plan de transition qui prévoit une sortie graduelle et responsable de la Mission de la RDC.
Mission accomplie
Premier à prendre la parole, le Mwami Saambili Bamukoka, chef de la chefferie de Watalinga. Pour lui, la présence de la MONUSCO a largement contribué à l’amélioration de la situation sécuritaire dans la zone. « Nous avons un sentiment de reconnaissance pour le travail abattu par les différents contingents qui se sont succédé ici. Nous pouvons dire que la situation sécuritaire est relativement calme. Nous faisons partie du territoire de Beni. Alors que les autres entités continuent à être menacées, chez nous, c’est assez calme. Nous pouvons dire que la situation est sous contrôle ».
Il se félicite par ailleurs de la bonne collaboration qui a existé durant ces dix années entre les populations locales et les casques bleus de la MONUSCO : « La population a montré de l’hospitalité envers les militaires qui venaient. Contrairement à d’autres endroits, c’est ici au chef-lieu de Watalinga que la MONUSCO est restée sans qu’il y ait de couacs avec la population. Et ça nous ragaillardit. D’autant plus que c’était notre souhait. Comme eux-mêmes l’ont reconnu, je suis très fier de ça ».
« Ces gens ont laissé leurs familles pour venir nous aider… »
Le Mwami Saambili Bamukoka n’a pas manqué d’envoyer un message aux populations dont certains habitants s’attaquent à la MONUSCO. Pour lui, ils doivent comprendre que cette Mission est ici pour aider et, dès lors, les populations doivent lui offrir leur hospitalité : « Nous savons que chaque entité a une autorité. Et que cette autorité qui est censée diriger cette entité doit prendre ses responsabilités pour que lorsque vous recevez des visiteurs, vous devez absolument chercher à affermir les relations entre la population et les visiteurs. Moi, je voudrais lancer un appel aux autres amis qui sont dans notre territoire de ne pas accepter qu’il y ait des agissements qui soient contraires [à la loi]. Il faut que la population puisse comprendre que ces gens ont laissé leurs familles ; ils sont venus nous aider à sécuriser notre territoire et nos biens. Ils ne méritent pas qu’on les dérange à chaque fois qu’il y a un problème. Lorsqu’il y a un problème, il est mieux de se mettre autour d’une table pour chercher la solution idoine ».
Faible menace ADF dans la zone
La société civile/forces vives noyau de Watalinga a, elle aussi, salué la contribution de la MONUSCO au retour à la paix dans la zone. Aujourd’hui, la population peut y vaquer librement à ses occupations sans crainte, les femmes vont et reviennent des champs sans se faire attaquer… Odette Zawadi Nganda est sa présidente : « La mission principale de la MONUSCO, c’est la sécurisation. Et au moment où je vous parle, la paix est là, la population est en train d’aller aux champs, chacun est en train de vaquer librement à ses activités ; ça, c’est un grand souvenir de la présence de la MONUSCO ici, parce que nous savons que, sans la paix, rien ne marche. La sécurité n’a jamais été absolue. Elle est relative. Notre population vit de l’agriculture. Elle peut désormais aller jusqu’au fin fond de notre territoire pour s’occuper des champs. Pour le moment, les menaces sécuritaires sont minimes. Nous félicitons aussi les FARDC, conjointement avec l’UPDF [armée ougandaise], qui ont travaillé avec la MONUSCO au niveau de notre chefferie et qui ont permis ce temps de paix et de sécurité que la population est en train de savourer aujourd’hui ».
Enfin, le colonel David Ipanga, commandant du 2103e régiment des FARDC basé à Kamango, a rappelé quelques uns des acquis de la présence de la MONUSCO dans cette localité qui vit en paix aujourd’hui. Pour lui, outre l’aspect sécuritaire, la MONUSCO a été d’un appui technique et logistique certain : « Nous exprimons un sentiment à la fois de regret et de joie suite à ce départ [de la MONUSCO] avec qui nous avons travaillé ensemble. La MONUSCO nous a aidés dans plusieurs sensibilisations aux droits humains. La MONUSCO nous a appuyés logistiquement. Nous restons avec de bons souvenirs. La MONUSCO nous a beaucoup aidés même du point de vue comportemental. Il y a des militaires qui avaient peur de commettre des viols, qui avaient peur de faire n’importe quoi parce qu’ils avaient peut-être peur de la MONUSCO… La présence de la MONUSCO avait un impact positif sur le lieu. [Ailleurs], tout le monde a manifesté contre la MONUSCO, mais pas ici. La sécurité, nous allons l’assurer après leur départ, je vous le confirme».
La base militaire de la MONUSCO à Kamango a certes fermé mais la MONUSCO reste. Elle reste dans la zone et c’est d’ailleurs Odette Zawadi Nganda de la société civile/forces vives noyau de la chefferie de Watalinga qui le rappelle : le travail va continuer avec la MONUSCO, à travers les outils de communication et de protection des civils que la Mission a mis en place.
« La MONUSCO nous a laissés un outil de communication. Même si elle part, nous allons continuer à communiquer. La MONUSCO nous a laissé des outils pour montrer que, même si elle ferme son camp dans la chefferie de Watalinga, elle continue de travailler avec la population. Car elle nous a laissés un comité local de protection [CLP]. Cet outil va continuer à travailler pour la protection et la sécurisation des civils ».
Héritage à préserver
Il n’y a pas que la sécurité revenue ou ce CLP que la MONUSCO laisse aux populations de la chefferie de Watalinga. Elle a aussi installé des panneaux solaires dans la cité pour renforcer la sécurité des populations, renforcé les capacités des acteurs étatiques et non étatiques locaux… « La MONUSCO a exécuté des travaux de finissage du bureau administratif de la chefferie de Watalinga. Elle nous laisse un projet d’électrification de notre hôpital général et des bureaux administratifs de la chefferie. Ces souvenirs seront gravés en lettres d’or dans la mémoire de la population », a conclu Odette Zawadi Nganda.