Pour une meilleure participation des femmes aux élections de 2011, 2012 et 2013

26 aoû 2011

Pour une meilleure participation des femmes aux élections de 2011, 2012 et 2013


Photo: Tahina Andriamamonjitianasoa/MONUSCO

« Encourager les candidatures féminines pour les élections de 2011 », tel fut le thème débattu, lors du cadre de concertation bimensuelle avec les partis politiques au quartier général ce lundi 22 août 2011.

Madame Asseta Ouédraogo chargée des questions de la problématique du Genre à la Mission de l'ONU pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) nous livre ses impressions sur la participation des femmes lors des élections passées, les difficultés auxquelles elles font face dans la société pour une reconnaissance sur le plan politique, et les stratégies d'approche pour inciter ces femmes à participer massivement aux prochaines échéances électorales de 2011, 2012 et 2013. Suivons Mme. Ouédraogo dans cette conversation à bâton rompu avec un staff de la Division de l'Information publique de la MONUSCO.

Q : Vous venez de participer à une rencontre qui avait pour thème la participation de la femme et surtout les candidatures féminines aux prochaines élections ; quelle était l'objectif visé par cette rencontre ?

Asseta : Je vous remercie. Ici au Sud Kivu il y a un cadre permanent qui a été mis en place, un cadre d'échange avec les différents partis politiques et le thème qu'ils ont retenu aujourd'hui pour le débat c'est: « la problématique de la participation de la femme à la vie politique, les perspectives pour les élections 2011 et les candidatures féminines ». C'est dans ce souci que je suis venue pour exposer le résultat d'une consultation que le Bureau Genre a eu à faire. En 2007, notre Bureau de Kinshasa a effectué cela aussitôt après les élections de 2006. La consultation était très participative avec tous les acteurs qui ont participé à ces élections de 2006, et avec toutes les femmes, les femmes comme électrices, les femmes candidates, les femmes non candidates. Le résultat a été compilé dans un document et cela avait surtout pour objectif de pouvoir aider les femmes à se préparer pour ces élections à venir. Ce cadre de concertation du Sud-Kivu est une opportunité pour nous de pouvoir présenter le résultat de cette consultation afin que les différents responsables de partis politiques qui y participent puissent en être informés et surtout réfléchir à des stratégies pour réellement intégrer les femmes dans leur partis politiques, non seulement en qualité d'électrices comme elles l'ont toujours fait mais surtout en qualité de candidates.

Q : Vous-même vous aviez présenté un exposé sur « La candidature féminine sur la liste des partis politiques, problématique de la participation de la femme à la vie politique : Perspective pour les élections 2011 ». Qu'est ce que vous vouliez en substance transmettre comme message à travers votre intervention?

Mme. Asseta OUEDRAOGO : Je voulais d'abord partager dans un premier temps le point de vue des femmes ; les problèmes qu'elles ont rencontrés lors des élections en tant que candidate et également les différentes propositions qu'elles ont eu à faire, et amener les différents responsables des partis à réfléchir sur la question. Et comme vous l'avez remarqué, dans mon exposé j'ai soulevé les difficultés en rapport avec l'aspect juridique, j'ai aussi également parlé du cadre conventionnel favorable à la femme en faisant allusion à certains textes, les textes internationaux tels que la Résolution 1325, la plateforme de Beijing et les engagements de l'Union africaine dans ce domaine, etc.

Ensuite on a ressorti aussi la faiblesse de certains textes, et j'ai surtout mentionné, bien sûr comme aspect positif au niveau national et de la constitution qui consacre la parité, et comme faiblesse l'article 13 de la loi électorale que les femmes ont soulevé comme étant une contrainte qui en fait n'oblige pas les partis politiques à mettre en application la parité. Et c'était vraiment un handicap pour ces femmes candidates. Il fallait soulever cette question. Nous avons aussi parlé des obstacles sur le plan socioculturel, tel que le contexte dans lequel ces élections 2006 sont venues trouver les femmes. C'était tout juste au sortir de la guerre et ces femmes gardent encore les séquelles de la guerre, les séquelles de violences de toutes formes, les violences sexuelles, les violences physiques, les traumatismes, etc., et les femmes étaient beaucoup plus préoccupées par la paix que d'être candidates. Nous avons également fait mention de la faiblesse économique des femmes parce qu'elles ont soulevé comme problèmes le manque de moyens financiers pour battre campagne. Le fait que ces femmes n'aient pas de ressources était un handicap qui explique un peu pourquoi elles n'ont pas réussi. Et de manière globale nous avons relevé qu'il y avait très peu de candidates ; c'est donc normal qu'il y ait également très peu de résultats. Donc nous avons invité les partis politiques à analyser toutes ces questions. A se dire qu'il n'y a pas de démocratie sans la participation des femmes. Les femmes qui représentent plus de 52% de la population. Les ignorer serait choisir de manière délibérée de ne pas tenir compte de la présence de cette frange importante de la population, de ne pas tenir compte de leur besoin et de ne pas tenir compte également de leurs aspirations. Et si nous voulons une réelle démocratie, nous sommes obligés d'en tenir compte. C'est une contrainte non plus une option ; nous sommes obligés de trouver des voies et des moyens, des stratégies pour les intégrer dans nos partis politiques.

Q : Je comprends que vous avez pris un langage incitatif à l'égard des partis politiques ; est-ce que vous pensez qu'ils ont aussi exprimé toute leur bonne foi à s'inscrire dans le cadre du Genre pour les élections à venir ?

A.O : Je crois qu'à travers les différentes interventions, il y a quand même une certaine ouverture à accepter que sans les femmes, il n'y a pas de démocratie. Maintenant étant donné que cela a été posé comme problème, c'est comment y arriver, la méthodologie qu'il faut déterminer. Et je leur ai fait comprendre que normalement leur rôle aussi c'est de sensibiliser la population, c'est de sensibiliser les hommes et les femmes. C'est de les former et dans ce travail, il devrait normalement avoir carrément une politique claire en matière de Genre. Comment est-ce qu'ils envisagent intégrer les femmes ? Il faut qu'il y ait une politique claire, écrite, une stratégie claire, écrite par les partis politiques. Parce qu'ils mènent des actions ponctuelles pour intégrer les femmes et ces actions ponctuelles ne peuvent pas donner de résultats. Il faut qu'ils s'asseyent, qu'ils réfléchissent en tenant compte du contexte, en tenant compte des femmes qui sont là, et qu'ils tracent ensemble une politique très claire pour amener les femmes à s'impliquer, amener les femmes à les lister, amener les femmes à renforcer leur capacité pour qu'elles puissent émerger.

Q : Madame, est ce que vous êtes optimiste, et quelle est votre appréciation de la vie politique, la participation de la femme congolaise, et surtout à l'Est du pays, pour les prochaines échéances ?

A.O : Je crois qu'il y a des raisons d'être optimiste ; c'est vrai que, quand on regarde les résultats de 2006, on se dit il n'y a pas eu une bonne représentativité, mais pour moi je me dis que malgré cela il ya eu des leçons apprises.

C'est une école, les femmes sont rentrées dans cette école. L'école des élections. Elles ont appris. Parce que 40 ans sans voter, sans élire, sans se présenter, ce n'est pas facile ; mais elles ont osé, elles se sont lancées dans la bataille. Elles se sont jetées à l'eau, elles ont nagé, il y en a qui ont pu sortir la tête faiblement, d'autres non, mais c'est une leçon. Aujourd'hui, le langage qu'elles tiennent n'est pas le langage qu'elles tenaient avant et je pense qu'à ce niveau, il y a eu une avancée. C'est sûr qu'on ne peut pas le faire par coup de baguette magique pour que les choses changent de zéro à 100%. Mais à les entendre et à écouter les partis politiques, ils tiennent aujourd'hui le langage qu'ils ne tenaient pas auparavant. Ils analysent positivement la chose et moi j'ai espoir que les choses vont changer et que la femme va occuper sa place dans le concert de la vie politique en RDC.

Q : Madame, dans cet atelier des femmes vous ont posé des questions, et parmi ces questions on peut revenir leur désir de connaître votre avis tenant compte de vos expériences dans les différents pays où vous aviez travaillé, à savoir quelles stratégies vous préconisez pour les femmes congolaises pour une meilleure participation dans le processus électoral ?

A.O : Merci pour cette question. Avant de vous donner quelques exemples d'expériences dans les autres pays, je voudrais tout d'abord dire que ces expériences ne doivent pas être appliquées directement dans tous les pays, parce que cela dépend des contextes, de la culture, de la coutume, des femmes elles-mêmes et des hommes. Mais néanmoins je peux partager quelques exemples. Si je prends le cas du Burundi où j'ai travaillé quand j'étais à UNIFEM. Les femmes se sont organisées bien avant les élections et ont demandé une révision de la constitution.

Elles ont utilisé cette stratégie en partant même de la constitution de la période transitoire et elles ont travaillé sur cette constitution en relevant les aspects qui n'étaient pas conforme à la parité, qui n'étaient pas conforme au quota de 30%, elles ont corrigé ces aspects et ensuite fortes de cela, elles ont organisé plusieurs réunions parce que ce travail avait été confié à l'association des femmes juristes du Burundi. Quand elles ont fini ce travail, elles se sont ensuite retrouvées en groupe pour analyser avec une plateforme de femmes les différentes propositions et elles ont convoqué une réunion avec les différents partis politiques pour présenter leurs propositions. Mais au Burundi, ils ont retenu les 30%.

Ensuite le Burundi a mis en place des comités de suivi de mise en application de ces documents en rapport avec les 30%. Et vous avez l'expérience du Rwanda qui est cité, qui leur a permis bien sûr de mettre des mécanismes spécifiques en place pour pouvoir intégrer les femmes, impliquer les femmes à l'Assemblée nationale. Cette démarche a permis au Rwanda d'avoir un quota, un taux de participation des femmes à l'Assemblée nationale d'environ 45%. Nous pourrons également citer la mise en place des groupes d'appui à la participation politiques des femmes au Cameroun. On a également le cas de la RDC où les associations comme le Cadre permanent de Concertation de la Femme congolaise (CAFCO) par exemple ont fait signer des engagements aux différents partis politiques. Mais ces engagements ne constituent qu'une étape, il faudrait que les femmes essaient de voir avec les hommes pour mettre en place un comité de suivi pour voir si effectivement ces actes d'engagements seront suivis. Je crois qu'on peut partager ces expériences mais je conseillerai que chaque pays réfléchisse à des stratégies, des mécanismes adaptés à son contexte, adaptés à sa réalité (...)

Interview réalisée par Michel Cirimwam, Radio Okapi/ MONUSCO

Photo: Tahina Andriamamonjitianasoa/MONUSCO