Festival Amani : Un moment de transcender les différences pour regarder vers la paix

Public du Festival Amani, édition 2018. Photo MONUSCO/Michael Ali

16 fév 2018

Festival Amani : Un moment de transcender les différences pour regarder vers la paix

Rosalie Zawadi

Goma, le 11 février 2018 – La 5e édition du Festival Amani, ouverte le 9 février, s’est achevée dimanche 11 février à Goma, dans le Nord-Kivu. Plus de 35 000 personnes ont pris part à cette grande manifestation culturelle pour la paix. L’existence de ce festival, qui réunit des personnes de différents horizons, est un grand succès dans cette région où le tribalisme, le régionalisme et les raisons de division sont multiples.

«Quelles que soient nos différences, le festival Amani reste une occasion de nous réunir autour de la musique, de la joie d’être ensemble, et même de l’entreprenariat », dit très souriant un jeune entrepreneur qui expose sur le site du festival, ses produits de nettoyage dans le village « Kwa kesho bora », entendez « Pour un lendemain meilleur ».

En voyant le mélange des cultures sur les différentes scènes du festival, et les milliers des festivaliers présents sur le site, Vianney Bisimwa, l’un des responsables du festival, apprécie ce moment unique. « Toute nation qui a vécu ce qu’on a vécu, a besoin de ce moment. Après tant d’années de souffrance, des épreuves, et les épreuves continuent, on a besoin parfois en tant que nation, d’avoir un poumon d’échappement», avance-t-il.

Et d’ajouter : «Grâce au Festival Amani, il y a un regard neuf que le monde entier porte sur le Nord-Kivu, sur Goma, qui n’est pas le regard traditionnel, souvent sombre, fait des violences».

Une fierté du gouverneur Julien Paluku que partage l’analyste des conflits dans la région des grands lacs, Onesphore Sematumba : «On peut comprendre, grâce au festival, que dans cette région, il y a des choses positives qui se passent. Les gens ne se battent pas tous les jours, les femmes ne sont pas violées tout le temps, les jeunes ne sont pas tous des combattants. Ici, il y a cette compénétration non violente avec beaucoup de ferveur et beaucoup de joie. On ne peut que souhaiter que ce genre de moment se poursuive ; 3 jours ce n’est pas beaucoup mais il s’agit de 3 jours intenses où on nous voit avec un miroir qui rit».

Plusieurs artistes et groupes locaux, nationaux, régionaux et internationaux ont animé cette grande fête musicale pour la paix. Parmi eux, le Congolais Hervé Ferre Gola, le Brazzavillois Zao, l’Ougandais José Chameleone ainsi que le groupe français Dub Inc. Une occasion rêvée des artistes locaux qui sont fiers de partager le podium avec les grands de la musique. La jeune Ira Irène, seule fille parmi les 5 artistes locaux choisis par la population pour représenter la ville de Goma, espère que sa carrière va prendre de l’envol grâce à sa participation dans ce grand festival de la région.

La paix est possible

S’il n’est pas question de célébrer la paix pendant les 3 jours du festival, les artistes donnent, à travers leurs prestations l’espoir que la paix est possible. C’est l’avis du directeur de ce festival. Prenant en exemple la prestation du groupe local « Les invisibles », Guillaume Bisimwa explique que «présenter les blessures qui ont touché la région comme les tueries, le recrutement des enfants dans les groupes armés, les viols, les pillages des biens de la population et tant d’autres encore, est une manière de dire : plus jamais ça ! Nous voulons vivre autrement. C’est-à-dire en paix, et une paix durable».

Un espoir que partage aussi le groupe musical français, Dub Inc, qui s’est produit au deuxième jour du festival. Aurélien Comlan, l’un des membres de ce groupe, dit avoir été découragé par ses proches qui lui ont tous donné de mauvaises nouvelles sur la région. Sur place, il apprécie la beauté de la région et le dynamisme de la population. Il invite tout le monde à travailler pour la paix et soutient que «peu importe nos différences, nous devons nous accepter pour réussir le travail de construction de la paix en Afrique ».

«Ça fait du bien de voir au festival des Congolais, des Rwandais, des Burundais, des Européens en parfaite harmonie ; ici je suis convaincu que la paix est possible», s’exclame un festivalier.

Quelle contribution à la paix ?

«Vous ne pouvez pas entrer au festival et ressortir tel que vous êtes entré. Même si le message semble superficiel, la construction de la paix est un processus», disent des acteurs de la société civile.

« Ceux qui disent que le festival n’amènera pas la paix, est-ce qu’ils peuvent nous convaincre que ce sont les armes qui vont l’amener cette paix-là ? », S’interroge l’analyste Onesphore Sematumba. Et d’ajouter : «les balles ont crépité, les bombes ont éclaté dans cette région depuis 20 ans mais on n’a pas vu de paix. Le festival Amani à lui tout seul ne peut pas amener la paix. Mais c’est un acteur important, et j’espère qu’il va le rester longtemps pour contribuer à l’avènement de la paix

En réponse à cette question, les responsables du festival mettent en avant l’appui à l’entreprenariat des jeunes comme contribution à la construction de la paix. «Bien formés et accompagnés, des jeunes deviennent chefs d’entreprises et créent l’emploi pour leurs camarades», explique Eric De Lamotte, promoteur du festival Amani.

«Il est difficile pour un jeune chef d’entreprise de se laisser recruter par des chefs des bandes armées», ajoute-t-il. Cette année, quatre jeunes entrepreneurs, avec de bons plans d’affaires, ont reçu chacun une bourse évaluée à 2 500 dollars pour leur permettre de bien assoir leurs entreprises.