Goma : face à l’insécurité, les journalistes appelés à faire preuve de responsabilité

Cette rencontre a été l’occasion de vulgariser la nouvelle loi fixant les modalités de l’exercice de la liberté d’information et la loi sur le numérique. Photos MONUSCO / Alain Wandimoyi

5 mai 2023

Goma : face à l’insécurité, les journalistes appelés à faire preuve de responsabilité

Alain Wandimoyi

Au Nord-Kivu, les journalistes sont appelés à plus de responsabilités au moment où la province fait face à une insécurité grandissante. Ce message a été adressé à une centaine de journalistes de différents organes de presse lors de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse à Goma. Plus de 140 journalistes membres des différentes corporations journalistiques de la province ont participé ce mercredi 3 mai 2023 à la commémoration du 30è anniversaire de la journée mondiale de la liberté de la presse à l’hôtel Serena.  

Organisée par la MONUSCO en étroite collaboration avec les différentes structures des médias du Nord-Kivu, cette rencontre a été l’occasion de vulgariser la nouvelle loi fixant les modalités de l’exercice de la liberté d’information et la loi sur le numérique. Les participants ont également échangé sur les méfaits de la désinformation au Nord-Kivu avant de mettre en exergue les stratégies de lutte contre les discours de haine au Nord Kivu. 

L’ONG Journalistes en danger (JED) a saisi cette opportunité pour brosser un tableau des dérapages et autres atteintes à la liberté de la presse « dont au moins 11 ont été enregistrés depuis le début de l’année 2023 en province », a indiqué Janvier Zihalirwa, représentant de JED au Nord-Kivu.

Dans cette province, plusieurs journalistes ont été victimes d’attaques, de menaces de la part de groupes armés locaux et étrangers pendant la période d’état de siège. Dans son mot adressé à l’endroit des journalistes, l’autorité provinciale a indiqué que « l’état de siège n’a pas aboli ou interdit le métier ou la liberté de la presse au Nord-Kivu ». Il recommande vivement aux professionnels de la plume de faire preuve d’une bonne moralité avant de recevoir un accompagnement du gouvernement congolais.

Le vice-gouverneur militaire du Nord-Kivu, le commissaire divisionnaire Romuald Ekuka Lipopo, argumente qu’autant le gouvernement a la responsabilité d’assurer la sécurité et la liberté des journalistes, autant les journalistes devraient avoir une conduite irréprochable : « Aussi bien que nous le gouvernement nous devons tout mettre en œuvre pour tracer un cadre pour le travail des journalistes, car c’est de leur travail que la population est formatée, aussi vrai que les journalistes de leur côté doivent suivre une certaine déontologie ».

Engagement sans relâche

Pour le comité provincial de l’Union Nationale de la Presse du Congo, les journalistes ne sont pas non plus épargnés par le contexte sécuritaire actuel : « La guerre est une situation qui nous concerne nous tous. Pendant que l’armée et les autres services spécialisés tentent de régler la question par les armes, nous autres avec nos plumes, micros, caméras et claviers d’ordinateurs essayons de trouver les mots qu’il faut pour maintenir la population dans un éveil à la hauteur des enjeux. Notre contribution, c’est aussi de nous assurer que la guerre ne soit pas un facteur diviseur des communautés mais plutôt qu’elle permette de réveiller le patriotisme dormant chez certains de nos compatriotes », a déclaré Rosalie Zawadi, présidente de l’Union Nationale de la Presse du Congo, section du Nord-Kivu.

C’est dans ce décor que le thème « La liberté de presse à l’épreuve de l’insécurité » a pu objectivement être abordé. Rosalie Zawadi est allée dans le même sens que JED dans son plaidoyer pour la liberté de la presse et a exhorté les autorités sur ce même sujet. Elle n’a pas manqué de souligner que le Nord-Kivu traverse une situation particulière : « L’environnement du travail du journaliste au Nord-Kivu est malheureusement entaché d’innombrables cas d’actes liberticides. Les menaces des ADF à Beni et celles de M23 à Rutshuru déstabilisent la vie de tous y compris celle des journalistes et leurs prestations. Depuis que les cités de Kiwanja et Rutshuru sont passées sous le contrôle du M23, nous avons accueilli ici à Goma une cinquantaine de journalistes déplacés qui ont refusé de servir l’ennemi. Les autres avaient pris la direction du Grand Nord de la province pour y trouver un climat plus sécurisé et d’autres encore, pris en tenailles par les agresseurs, sont restés contre leur gré dans le milieu et mon souhait est de les voir libérés, afin qu’ils reprennent activement leur travail d’informer la population en toute liberté. L’insécurité est un véritable obstacle pour la liberté de la presse en particulier et la liberté d’expression en général », a-t-elle poursuivi.

Il revenait à Laila Bourhil, cheffe de bureau de la MONUSCO/Goma, d’inviter les journalistes à plus de responsabilité, surtout pendant les périodes de crise : « La responsabilité est le rôle crucial des journalistes autant dans l’exercice de la liberté d’expression, que dans la diffusion d’une information fiable et vérifiée. C’est justement dans les périodes de crise que les populations ont particulièrement besoin d’une information vraie, précise et fiable, afin de garantir leur sécurité et leur bien-être ».

Malgré la guerre, les journalistes du Nord-Kivu manifestent un engagement sans relâche pour mieux informer le public : « Je voudrais que face à l’insécurité, la flamme pour une presse libre et responsable ne s’éteigne point », comme l’a si bien reconnu en son temps l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry, ajoutant que « l’Homme se découvre quand il se mesure devant l’obstacle ».