Beni : la MONUSCO forme des policiers de circulation routière pour réduire les accidents de la route
Quand on lui demande ce qu’il y a de plus difficile dans son métier d’agent de circulation routière, elle répond non sans un sourire malicieux : « Rester debout de 7 heures à 17 heures ». Elle n’est pourtant pas nouvelle dans la profession. Entrée dans la police nationale congolaise en 2002, la commissaire adjointe Sahara Kahindo a d’abord servi au sein du bureau de renseignements, avant de rejoindre l’escadron de la police de circulation routière de Beni en 2010.
Pourquoi la circulation routière plutôt que les renseignements ? Sahara Kahindo marque une pause avant de répondre : « Vous savez, la police de circulation routière est l’une des premières choses qu’un étranger remarque quand il arrive dans un pays. Selon qu’elle se conduit bien ou pas, les étrangers peuvent avoir une bonne ou une mauvaise première image du pays ».
Réduire le nombre d’accidents et de victimes sur les routes
Une police de circulation routière qui fait correctement son travail : tel est l’objectif de la série de formations organisées en faveur de ces agents par la MONUSCO, à travers sa police (UNPOL). La dernière a eu lieu du 4 au 15 mai 2024. Dix agents de circulation routière au nombre desquels la commissaire adjointe Sahara Kahindo et l’agent de police principal Yes Kambale Tahenda y ont activement pris part.
A Beni, ville d’un peu plus d’un million d’habitants, ce n’est pas le parfait amour entre agents de police et conducteurs de mototaxis qui s’accusent mutuellement d’indiscipline et de tracasseries. « Ce qu’ils appellent ‘tracasseries’, c’est l’application de la loi », se défend Sahara Kahindo, tout en concédant que les policiers ne sont pas exempts de tout reproche. En effet, il n’est pas rare d’assister à des scènes de disputes aux carrefours de la ville. « Les motards aiment provoquer », explique Yes Kambale Tahenda, ajoutant que la majorité des incidents sur la voie routière sont imputables aux conducteurs de motos.
A en croire les chiffres de la police nationale, en 2023, dix personnes ont été tuées et une soixantaine grièvement blessées dans des accidents de la circulation à Beni. Depuis le début de cette année, sept personnes ont perdu la vie sur les routes de la cité dans des « accidents évitables » selon Yes Kambale Tahenda, qui explique « qu’ils sont toujours pressés. Ils n’attendent jamais. Selon eux, le code de la route, c’est pour les autres. Jamais pour eux ».
Rester courtois envers les usagers de la route
A la police des Nations Unies, on plaide pour plus de pédagogie. Pendant la formation de onze jours, les policiers de circulation routière ont notamment appris les gestes conventionnels de régulation de la circulation routière, ainsi que le comportement et le langage adéquats face aux usagers.
Sahara Kahindo le reconnaît. Il arrive parfois qu’un agent de police réponde aux invectives par des invectives. La mère de quatre enfants admet avoir « du tempérament » qu’elle apprend désormais à modérer : « Lors de la formation, on nous a dit de rester courtois même si on se fait chahuter. Ne pas répondre à l’injure par l’injure. C’est la seule manière de faire passer un message pour qu’il soit compris. Dès que les voix s’élèvent, personne n’écoute plus personne. Le conducteur en faute repart sans avoir eu la possibilité de se rendre compte de sa faute pour pouvoir s’amender dans l’avenir ».
Selon des chiffres de la police, un accident de circulation sur sept se solde par un délit de fuite. « Au-delà de la sanction, ces personnes repartent sans pour autant avoir pris connaissance de leurs erreurs. Demain, ils commettront les mêmes fautes. Peut-être avec des conséquences plus graves », se désole le commissaire supérieur adjoint Adolphe Muke Ntanyanya, commandant de l’escadron de la police de circulation routière dans la ville de Beni. L’officier se réjouit que ses éléments aient appris le bon comportement à afficher en cas d’accident sur la route, d’autant qu’il perçoit une nette amélioration dans les rapports des usagers.
« Davantage de progrès à faire pour un trafic sans risques »
Pour Yes Kambale Tahenda, il est évident que les formations rendent les policiers plus confiants et moins enclins à répondre de manière violente aux provocations des usagers de la route. « Quand vous faites un métier sans être formé, vous le faites avec des hésitations. Quand vous êtes formé et que vous savez que vous êtes dans les normes, vous êtes sûr de vous-même. Vous travaillez avec professionnalisme, sans crainte », souligne-t-il.
Même si pour Germain Kambala, usager de la route, il y a des progrès, il reste néanmoins du chemin à parcourir. « Il y a encore des progrès à faire. Il y a encore des dérapages. Moi, je leur reproche encore un manque de courtoisie lorsqu’ils demandent des documents. J’apprends qu’ils suivent des formations. Il faut que ça continue », plaide-t-il.
Pour information, l’escadron de la police de circulation routière de Beni compte cinquante-six agents qui se relaient au quotidien aux grands carrefours et autres axes routiers animés de la ville.