Dans le Territoire d’Uvira au Sud-Kivu : la population redoute plus l’activisme des différents groupes armés que les tensions politiques…

21 déc 2016

Dans le Territoire d’Uvira au Sud-Kivu : la population redoute plus l’activisme des différents groupes armés que les tensions politiques…

Tel le passage à une nouvelle année, la date jugée par certains « fatidique » du 19 décembre a plutôt été franchie ici sans (trop de) heurts. Fruit du travail abattu depuis de nombreuses semaines par la Monusco, la Société civile, les autorités locales ainsi que les forces de Défense et de Sécurité. Mais c’est la multiplication des groupes armés aussi bien locaux qu’étrangers qui menace plus la sécurité des populations qui ne demandent qu’une chose : la paix…

Uvira, le 21 décembre 2016 – Plus que la date de la fin constitutionnelle du mandat du Chef de l’Etat, c’est la présence et l’activisme des groupes armes qui semble préoccuper en Territoire d’Uvira au Sud-Kivu. Ici, rares sont ceux qui se disent réellement « concernés » par les discussions politiques en cours à Kinshasa à plusieurs milliers de kilomètres de là. N., 25 ans, agent de sécurité dans une société de gardiennage, exprime ce que beaucoup disent tout bas : «  de toute façon, ceux qui discutent à Kinshasa ne le font que pour leur intérêt ; qui se soucie de nous ? Après, ils vont se partager les postes, regardez le dernier gouvernement : 67 ministres, que des gens qui ont pris part aux négociations … Mais combien de jeunes et que vont-ils faire pour nous ? Rien… », prophétise-t-elle, l’air dépité. Aussi, si le mot d’ordre de « ville morte » a été largement suivi ici le lundi 19 décembre, en revanche dès le lendemain mardi 20 décembre, la vie avait vite repris son cours normal : magasins, marchés, agences de voyage… avaient repris leurs activités normales, comme si de rien ne s’était passé.

Il faut dire que le quotidien des populations du Territoire d’Uvira est rythmé par les accrochages fréquents être les Forces de Défense et de Sécurité et les innombrables groupes armés qui se forment à longueur d’année. Ici, ce sont les FARDC (armée régulière) qui traquent des FDLR (rwandais), là, c’est l’armée nationale qui ouvre un autre front pour chasser ou riposter aux attaques de FNL (Burundais), quand il ne s’agit pas de Maï Maï aux noms aussi poétiques qu’insolites : Molière, Amuse-gueule, Nyerere, etc. Des paysans congolais reçoivent parfois des balles perdues lors de ces fréquents accrochages entre soldats congolais et ces rebelles, d’autres y perdent carrément la vie… La Plaine de la Ruzizi, les Moyens et les Hauts Plateaux dans le Territoire d’Uvira demeurent le repaire de ces groupes armés qui y opèrent parfois avec la complicité de certains habitants : vols de vaches, viols, rackets, rançons, pillages, attaques de convois de jour comme de nuit. Zone d’agriculture et d’élevage par excellence, ici, il se passe rarement un jour ou un jour sans que l’on apprenne que tel groupe armé Maï Mai a volé 50, 100 ou 200 vaches ! Et que des accrochages les ont opposés aux Fardc dans leur tentative de récupérer ce bétail, provoquant au passage des mouvements de populations qui fuient les combats…

Dans ce contexte et compte tenu de sa mission de protection des civils, la Mission des Nations Unies au Congo, Monusco, ne cesse de sensibiliser les populations à ne pas accorder leur soutien à ces hors la loi. La Monusco appuie aussi logistiquement les Fardc et la Police nationale congolaise dans leur lutte contre les groupes armés, en plus des patrouilles qu’elle organise quotidiennement le long de la Route Nationale numéro 5. C’est ainsi que du carburant et des rations alimentaires sont offerts par la Mission onusienne aux Forces de Défense et de Sécurité. Des Comités Locaux de Protection ont également été mis sur pied par la Monusco ; leur rôle : identifier et alerter sur les menaces potentielles liées à la protection des civils. Mais ces efforts sont minés par la porosité de la frontière entre la RDC et le Burundi par où passent (inaperçus) ces groupes armés. La Monusco et d’autres partenaires internationaux de la RDC ont bien financé la construction de postes de contrôles frontaliers, mais ceux-ci brillent par leur manque d’effectifs et de moyens… C’est ainsi qu’au cours d’une réunion sécuritaire tenue ce mardi 20 décembre à Mutarule entre la Monusco et les Comités Locaux de Protection, les participants ont recommandé à la DGM de déployer des éléments dans leurs anciennes positions de la frontière RDC-Burundi pour empêcher les infiltrations desdits groupes armés. N., 29 ans, employée dans une société de la place résume le sentiment des Uvirois : « moi, je veux seulement la paix, le reste, ça ne m’intéresse pas… ». Puisse son vœu se réaliser…

Jean-Tobie Okala

Photos: Monusco/Force