Le Panel de l’ONU lance un appel pressant pour le soutien aux victimes des violences sexuelles

14 oct 2010

Le Panel de l’ONU lance un appel pressant pour le soutien aux victimes des violences sexuelles

Kinshasa/Genève, 13 octobre 2010 - Le panel composé de personnalités de haut niveau réuni par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme pour auditionner les victimes des violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC) a constaté mercredi dans ses travaux préliminaires que les besoins des victimes des violences sexuelles sont largement ignorées, notamment dans les zones reculées du pays.

A travers des dialogues interactifs avec les survivants et autres partenaires du projet dans six villes et trois provinces de la RDC, le panel avait été chargé par le Haut Commissaire aux droits de l'homme de prendre en compte et de discuter de la pertinence des remèdes et réparations mis à la disposition des victimes des violences sexuelles.

Présidé par Mme Kyung-wha Kang, le Haut Commissaire adjoint aux droits de l'homme, le panel est aussi composé de Mme Elisabeth Rehn, ancien ministre de la défense de Finlande et actuellement Président du comité directeur du Fond des victimes à la Cour Pénale Internationale, et du Docteur Denis Mukwege, directeur de l'hôpital de Panzi à Bukavu, au Sud Kivu. Le panel a travaillé en consultation avec le Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme et le Ministère du Genre, de la Famille et de l'Enfant.

Du 30 septembre au 10 octobre 2010, le panel s'est rendu à Bukavu, Shabunda (Sud Kivu), Bunia, Komanda (Province Orientale), Mbandaka et Songo Mboyo (Equateur) et a rencontré 61 victimes de violences sexuelles, âgées de 3 à 66 ans, dont 4 hommes. Dans chaque localité, le panel a eu des entretiens avec les autorités locales et provinciales, et a organisé des tables rondes avec des officiels du secteur judiciaire, des membres de la société civile et des représentants des Nations Unies. Ces réunions ont pu se tenir grâce au soutien de l'hôpital de Panzi et du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH). A Bukavu, le panel fut rejoint par Mme Margot Wallström, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les violences sexuelles dans les conflits armés, et Mme Leila Zerrougui, Représentante spéciale adjointe en RDC.

Le panel a exposé ses travaux préliminaires lors d'un Forum organisé hier, mardi 12 octobre, à Kinshasa en présence des membres du Gouvernement, des représentants de la société civile, et des représentants des Nations Unies.

« Comme nous l'avons entendu à maintes reprises, il y a un profond besoin et un appel clair des victimes pour beaucoup plus d'assistance et de réparation » a déclaré le Haut Commissaire adjoint aux droits de l'homme, Kyung-wha Kang. « Leurs vies ont été détruites et elles souffrent énormément sur tous les plans: physique, psychologique et matériel ».

Leur statut de victime est aggravé par la stigmatisation à laquelle elles doivent faire face en famille et au sein de leur communauté, a-t-elle déclaré. « Leurs maris les abandonnent, elles sont socialement rejetées, et souvent ce rejet est accru pour les victimes souffrant de fistule, pour celles qui sont enceintes et portent un enfant issu du viol, et pour celles qui ont contracté des maladies sexuellement transmissibles, dont le HIV/ Sida ».

Le panel a noté que la reconnaissance publique de la souffrance des victimes et le soutien public, particulièrement aux plus hauts niveaux du gouvernement, est un long chemin à parcourir pour favoriser un changement d'attitude qui, jusqu'ici, fait porter le poids de la honte aux victimes plutôt qu'aux coupables de violences sexuelles.

En dépit de l'existence de quelques programmes de soutien direct aux victimes pris en compte par le panel, Mme Kang a estimé que « les besoins des victimes sont en grande partie non satisfaits, en particulier dans les zones reculées. » Les soins de santé et d'éducation des enfants des victimes, et des victimes elles-mêmes, sont parmi les plus hautes priorités exprimées lors des auditions devant le panel. Dans les Kivus, où les conflits armés se poursuivent, la première des priorités exprimée par les victimes fut un cri unanime pour la paix et la sécurité. Comme déclaré devant le panel, sans la paix et la sécurité, la restauration de tout ce qui a été perdu n'aurait aucun sens car tout pourrait être perdu à nouveau. « Les femmes nous ont clairement dit que les destructions doivent cesser avant de procéder à toute reconstruction, et le panel joint sa voix et son soutien à cet appel désespéré pour la paix et la sécurité. »

La lutte contre l'impunité et l'accès à la justice figurent également parmi les préoccupations soulevées par les victimes et d'autres acteurs concernés. La plupart des victimes ne sont pas en situation de recourir à la justice, car elles n'ont pas pu identifier ou localiser leurs agresseurs. Le panel a pris note de l'appel des victimes et d'autres, et ce dans tout le pays, à la mise en place d'un nouveau mécanisme qui donnerait aux victimes accès à des réparations. Il pourrait y avoir plusieurs sortes de réparations en fonction des différents besoins des victimes. Mme Kang a ainsi expliqué « que le panel avait rencontré une femme infectée du HIV/Sida suite à un viol, et sans le savoir, elle avait infecté son mari. Quand il est mort, elle fut expulsée de sa propre maison, avec son enfant, par la famille. Pour cette femme et son enfant, le besoin le plus urgent était de trouver une nouvelle maison pour vivre en paix et recommencer une nouvelle vie ».

A Songo Mboyo, les femmes ont été victimes d'un viol massif en 2003. Elles ont créé une association de survivantes. Grâce au soutien de l'UNIFEM, le panel a pu contribuer à l'achat d'un bateau pour assister l'association dans le transport de leurs biens pour commercer au marché local accessible par le fleuve.

Pour les victimes qui ont pu identifier leurs agresseurs et qui ont eu le courage de porter plainte pour obtenir une condamnation et des dommages et intérêts, le succès a été éphémère dans la mesure où les coupables se sont enfuis de la prison et les victimes n'ont reçu aucun paiement des dommages et intérêts pourtant accordés par la justice. « Le panel a estimé que le non paiement de ces dommages et intérêts pourrait porter atteinte à la crédibilité du système judiciaire et à entamer la confiance des victimes dans les capacités de l'Etat à rendre la justice » a souligné Mme Kang.

Le panel a également rencontré des hommes victimes de violences sexuelles, qui ont souffert d'autres effets de la stigmatisation du fait qu'ils soient des hommes. Le panel a aussi auditionné des victimes violées par des civils et a constaté l'accroissement du nombre de viols depuis la guerre, contribuant à la création d'un environnement « où le viol est devenu une pratique commise en toute impunité ».

Le panel préparera un rapport avec des recommandations au Haut Commissaire aux droits de l'homme, qui sera présenté au gouvernement de la RDC et aux autres partenaires. Ces recommandations ont pour objectif de compléter les efforts entrepris dans la promotion de la justice en apportant assistance et soutien aux victimes, et pour aider les programmes liés à la mise en place de la Stratégie nationale sur la violence sexuelle concernant les réparations.