Des officiers supérieurs de l’armée congolaise poursuivis en justice

11 juin 2012

Des officiers supérieurs de l’armée congolaise poursuivis en justice


Uvira, 12 juin 2012 - A Uvira, une petite ville située entre le lac Tanganyika et l'imposante chaine de montagnes de Mitumba du Sud-Kivu, dix-huit colonels, lieutenants-colonels, majors et un capitaine ont comparu devant une cour militaire en audience foraine en République démocratique du Congo (RDC). Treize d'entre eux ont été jugés coupables d'insurrection dans l'est de la RDC.

« Ce procès a envoyé un signal fort à travers le pays : les membres des forces de sécurité – quelles que soient leur rang – doivent respecter la loi, » déclare Scott Campbell, Directeur du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH) en RDC. « Etre témoin direct de ce procès donne de l'espoir à la population que personne – qu'il soit civil ou militaire – n'est au-dessus des lois. Il démontre également les résultats de plus en plus positifs du système judicaire militaire congolais. »

Pendant deux semaines, une foule importante a entouré le palais de justice en plein air pour être témoin du procès qui s'y déroulait. Sous la chaleur de la journée, des centaines de personnes ont assisté au procès, impassibles. Au cours des dernières années, les habitants d'Uvira ont vécu dans la crainte de ces hommes en uniforme qui comparaissent devant eux, des anciens commandants au Sud-Kivu qui ont auparavant commis de graves violations des droits de l'homme en toute impunité, dans la région et au-delà, dans ce vaste pays d'Afrique centrale.

« C'est la première fois que nous voyons un colonel être jugé, » explique Stephan, d'Uvira. « A travers déjà l'arrestation de [Jean-Pierre] Bemba et la condamnation de [Thomas] Lubanga, la population constate que lorsque des crimes ou des actes de violence sont commis, les auteurs seront condamnés et tenus responsables. La population observe : nous sommes en colère parce que c'est nous qui souffrons, qui sommes tués. Nous attendons de voir si les colonels seront condamnés pour leurs actes par le système judiciaire congolais. »

Outre les accusations portées par le Procureur militaire de l'Etat, 14 civils ont déposé des plaintes afin d'obtenir réparation. Plusieurs sont venus témoigner en personne de la façon dont leurs maris, fils et filles ont été tués par des soldats sous le commandement des hommes assis deux mètres derrière eux. Ces personnes représentent seulement un faible pourcentage des victimes de pillages, de viols et d'assassinats perpétrés au cours d'une vague de désertions au sein de l'armée dans les Kivus, entre février et avril 2012.

« Nous sommes venus témoigner devant le tribunal afin que justice puisse être rendue pour ce qui nous est arrivé, » explique une des femmes qui est venue de loin pour présenter son cas. « Nous sommes fiers du gouvernement congolais pour la tenue de ce procès. Si la justice continue d'être maintenue, la situation au Congo va s'améliorer. »

Plusieurs sections civiles de la MONUSCO ont travaillé en étroite collaboration avec leurs collègues militaires de la Force des Nations Unies afin de fournir un soutien logistique et technique aux autorités congolaises, militaires et judiciaires, au cours des enquêtes préliminaires, tout au long de la procédure judiciaire et jusqu'au transfert des condamnés en prison.

Avec d'autres composantes civiles et militaires de la MONUSCO, le BCNUDH soutient activement le droit à un procès équitable afin de poursuivre en justice les personnes responsables de graves violations des droits de l'homme, y compris des violences sexuelles, en RDC. A Uvira, des officiers des droits de l'homme ont suivi de près les enquêtes initiales, ainsi que le procès, en collaboration avec les autorités militaires et judiciaires, pour garantir un procès équitable. Le BCNUDH a également soutenu les représentants des victimes durant le procès et a assuré celles-ci protection.

Néanmoins, le BCNUDH soutient que davantage doit être fait pour garantir une justice pour tous.

« Malgré l'importance de ce procès, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer le système judiciaire congolais, assurer l'existence d'un Etat de droit et mettre fin à l'impunité qui demeure généralisée parmi les membres de l'armée nationale, ainsi que des groupes armés, » souligne M. Campbell. « Les autorités congolaises doivent s'assurer que ces officiers – ainsi que d'autres auteurs de violations des droits de l'homme – soient inculpés et poursuivis pour les violations des droits de l'homme commises contre les civils, en plus des accusations d'indiscipline et d'insurrection pour lesquelles ils ont été condamnés dans le cadre de ce procès. »

Au lendemain du verdict à Uvira, un tribunal militaire a condamné 13 autres personnes – dont sept soldats et un policier – dans une audience foraine à Walungu, au Sud-Kivu, pour violences sexuelles et meurtre. M. Campbell a souligné son espoir de voir cette tendance se poursuivre, de tenir responsables les auteurs et dissuader progressivement les auteurs potentiels de nouvelles violations.

Rachel Sherwin/MONUSCO