Ituri : plus de 350 km de routes réhabilitées par la MONUSCO depuis 2019 pour faciliter la protection des civils et booster les échanges économiques

Les casques bleus népalais ont réhabilité plusieurs portions de routes principalement dans les territoires d’Irumu et de Djugu, parmi les plus touchés par l’insécurité en Ituri. / Photos MONUSCO

30 oct 2022

Ituri : plus de 350 km de routes réhabilitées par la MONUSCO depuis 2019 pour faciliter la protection des civils et booster les échanges économiques

Jean-Tobie Okala

Depuis 2019, la MONUSCO, à travers la compagnie d’ingénieurs népalais de sa Force, a réhabilité plus de 350 km de routes dans la province de l'Ituri. Ce n’est pas sa tâche principale, mais ça aide dans le cadre de ses actions en matière de protection des civils, qui est le cœur de son mandat. Ce ne sont pas non plus des autoroutes, mais des pistes de desserte agricole ou des tronçons de « routes nationales » dont l’importance en termes économique, social et sécuritaire est stratégique.

La plupart de ces tronçons étaient lourdement abîmés. Leur état de délabrement très avancé ralentissait les interventions des forces de sécurité dans leur lutte contre les groupes armés. Parfois, pour parcourir 5 km, les casques bleus ou les militaires des FARDC devaient mettre 30 à 45 minutes : trop long comme délai pour sauver des vies en danger de mort.

Au-delà de l’aspect purement sécuritaire, le mauvais état des routes ne permettait pas une libre circulation des personnes et de leurs biens. Il les exposait d’ailleurs aux attaques des groupes armés qui profitaient des bourbiers pour s’en prendre aux usagers civils de ces routes.

Dans d’autres localités, les autorités locales font part des difficultés des communautés à écouler facilement leurs productions agricoles. Ce qui les appauvrit davantage, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer : chômage des jeunes dont certains prêtent l'oreille aux sirènes des groupes armés ; enfants ne pouvant aller à l’école, faute de moyens ; habitants ne pouvant se faire soigner, faute de revenus, avec des produits agricoles qui parfois pourrissent sur place au village par manque de routes pour leur évacuation vers les centres urbains.

Irumu et Djugu : priorité à la protection des civils

En concertation avec les autorités provinciales aux côtés desquelles la MONUSCO mène un difficile combat d’éradication des groupes armés, les casques bleus népalais ont réhabilité plusieurs portions de ces routes principalement dans les territoires d’Irumu et de Djugu, qui sont parmi les plus touchés par l’insécurité en Ituri. Parmi ces routes réhabilitées par la MONUSCO, citons entre autres :

Bogoro - Kasenyi en mars 2020 et longue de 11 km ; Irumu - Komanda en novembre 2019 (2 km mais qui étaient dans un état de délabrement indescriptible, tout comme Komanda - Idohu, 153 mètres de calvaire pour les usagers) ; Tchabi - Kainama dans le territoire de Beni au Nord-Kivu (16 km) ; Gina - Fataki en janvier 2022 (40 km) ; Tshabi - Kainama en mars 2021 (16 km) ; Bunia - Shari - Budana en octobre 2022 (17 km) ; Kagaba - Ngasu Odje (9 km) ; Katoto - Lita - Luna - Djili en mars 2022 (12 km) ; Olongba - Songokoy (11 km) ; Bogoro-Aveba en 2019 (45 km) ; Bogoro-Kasenyi toujours en 2019 pour 26 km.

A cela s’ajoutent plusieurs tronçons de la ville de Bunia qui ont souvent reçu un lifting de la MONUSCO ou encore la route qui entoure la piste de l’aéroport de Bunia (3.5 km). Selon le commandant de la Régie des voies aériennes (RVA), bénéficiaire de cet ouvrage, la praticabilité de cette route permet non seulement de renforcer la sécurité de la piste, mais aussi de faciliter la mobilité des camion anti-incendie en cas d’urgence. Depuis le 21 octobre dernier, la MONUSCO a entrepris la réhabilitation de la route Bunia - Marabo - Komanda longue de 75 km.

Les bénéficiaires de ces actions de la MONUSCO ne cachent pas leur joie. C’est le cas du chef de groupement de Tsere dans le territoire d’Irumu, Zamundu Batagura Mugenyi. « Ici, vers Rwampara, nous avons un camp des militaires des FARDC :  pour intervenir en cas d’attaques ou de menaces de la milice du FPIC, ils se déplaçaient difficilement et intervenaient en retard à cause du mauvais état de la route. Mais depuis que la MONUSCO a réhabilité cette route, les FARDC interviennent désormais plus facilement », déclarait-il le 20 octobre dernier, après la réhabilitation de la route Bunia-Budana-Shari. «Nous n’enregistrons plus de cas d’accidents, même les malades sont plus facilement acheminés à l’hôpital de référence de Rwampara, ce qui permet de sauver des vies », a-t-il renchérit.

Zamundu Batagura Mugenyi évoque aussi bien des avantages en termes économiques : « Nos produits agricoles, qui proviennent de Tutu ou de Tshabusiku, sont aussi désormais beaucoup plus facilement acheminés vers les différents marchés de Bunia. Ce qui permet aux populations d’améliorer leur quotidien. Avant, pour transporter un seul sac de haricot de ces localités vers Bunia, c’était très difficile, à cause du mauvais état de cette route. Aujourd’hui, nous sommes heureux, tout se passe très bien et vite. Nous disons encore merci à la MONUSCO ».

Des ponts, en plus des routes…

En plus de ces tronçons, des ponts sont aussi construits ou réhabilités par ces casques bleus népalais. En mai 2022, la Mission a remis aux autorités locales trois ponts ainsi que six dalots aux groupements de Zadu et Baviba, à 60 kilomètres de Bunia. Les ponts se situent sur la rivière Ati et Adjiri et desservent huit villages dont les habitants éprouvaient les pires difficultés pour évacuer leurs produits champêtres et s’approvisionner en produits de première nécessité.

Pour réaliser ces infrastructures, la MONUSCO avait fait appel à une main-d’œuvre locale composée de quelque 1500 jeunes à risque, notamment des ex-combattants et membres de la communauté. Ce qui avait alors fait dire au vice-président de la société civile des Walendu Bindi, Daniel Masumboko Ndrudro, que « grâce à ces ouvrages, les entités qui ont été longtemps enclavées ne le sont plus aujourd’hui. Les véhicules peuvent passer grâce aux ponts construits, la population du Walendu Bindi est très contente car, jusque-là, il n’y avait que la tête pour transporter des bagages ».

Justin Makambo, un jeune de Gety, estime pour sa part que ces ouvrages ont changé la vie des populations bénéficiaires. « Les gens passent moins de temps sur les routes, ce qui n’était pas le cas avant puisqu’il fallait marcher d’un endroit à un autre, ce qui contribuait à augmenter le temps de voyage et donc les risques de tomber dans une embuscade de miliciens », explique-t-il.

Réhabilitation des infrastructures de communication, un des leviers de la protection des civils

On peut encore citer, parmi les nombreux exemples, le pont sur la rivière Shari à Mwanga à 7 km de Bunia ou encore le « pont de la réconciliation » construit par les casques bleus népalais en mars 2021 dans le territoire d’Irumu et dont l’un des impacts sur la vie locale a été l’amélioration du climat entre les populations des chefferies des Mobala et celles des Bahema d’Irumu.

Selon les bénéficiaires, cet ouvrage a contribué au rapprochement des communautés de ces deux Chefferies qui vivaient presque séparées à cause de ce pont rendu hors d’usage. Le chef de la chefferie des Mobala expliquait alors que « durant des années, les gens étaient obligés de laisser leurs voitures ou motos du côté d'où ils venaient et traversaient la rivière à pied, sur le dos de passeurs ou à bord d'une pirogue pendant la saison des pluies », avant de former le vœu « que ce pont serve de pont entre les communautés ».

Pour la MONUSCO, ces ouvrages constituent un important levier de la protection des civils. Marc Karna Soro, le chef de bureau de Bunia résume : « La protection des populations civiles repose sur trois piliers aux Nations Unies. Le premier pilier, c’est le dialogue, la facilitation, l’anticipation. Le deuxième pilier, c’est la protection physique comme nous le faisons dans les camps des déplacés, directement sur l’ensemble des neuf sites où nous sommes présents en Ituri et protégeons plus de 700,000 personnes déplacées. Et le troisième pilier, c’est l’appui à l’Etat pour mettre en place un environnement protecteur. Et donc, c’est l’ensemble des actions qui s’articulent autour de ces piliers qui vont concourir à protéger les populations civiles », explique-t-il.

Et d'ajouter :  "La réhabilitation des routes, la réhabilitation des voies d’accès aux zones où les populations sont en danger fait partie comme outil ou instrument de facilitation de la protection des populations civiles. Parce que si on n’a pas accès à ces populations, si ces populations ne peuvent pas se déplacer, alors, on a encore un problème, ça voudrait dire qu’on n’a pas encore résolu le problème de leur protection. Donc, la MONUSCO combine l’ensemble des outils que nous avons : nous travaillons sur les dialogues pour apaiser les tensions ; nous envoyons nos militaires en appui aux FARDC pour protéger physiquement les populations ; mais aussi, nous travaillons à créer un environnement qui facilite la protection de ces populations en appuyant le gouvernement pour mettre en place des routes, en travaillant sur des accès à des zones difficiles, mais en réhabilitant des ponts également… Comme actuellement, nous sommes en train d’appuyer le gouvernement en réhabilitant la route Bunia-Komanda longue de 75 km… Tout cela va contribuer à une protection effective de ces populations ».