Discours de haine : des acteurs digitaux de onze pays d’Afrique réunis à Douala

Discours de haine : des acteurs digitaux de onze pays d’Afrique réunis à Douala. Photo Nations unies

28 oct 2021

Discours de haine : des acteurs digitaux de onze pays d’Afrique réunis à Douala

Pamela LUBAKI

Douala, capitale économique du Cameroun, a abrité du mardi 26 au vendredi 30 octobre 2021, un forum régional de sensibilisation et de renforcement des capacités des médias et des organes de régulation de la communication sur la prévention des conflits liés aux discours de haine et de lutte contre ce phénomène en Afrique centrale.  

Ces assises ont réuni des journalistes et acteurs des réseaux sociaux venus de onze pays d’Afrique centrale, à savoir la RDC, l'Angola, le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, la République du Congo, Sao Tomé-et-Principe, le Tchad, le Rwanda et le Burundi.

L’organisation d’un tel forum part du constat que certains médias d’Afrique centrale sont considérés comme responsables de la diffusion de programmes faisant la promotion des discours haineux et manipulatoires, ainsi que de propos incitant à la violence.  

Il s’inscrit en droite ligne de la Stratégie et du Plan d’action des Nations unies contre les discours de haine officiellement lancés par le Secrétaire général, Antonio Guterres, en juin 2019 et également de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants adoptée en 2016.   

Deux allocutions ont marqué la cérémonie d’ouverture de ce forum régional sur la lutte contre les discours de haine dans les médias d’Afrique centrale organisé par le Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (UNOCA) et  la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), en collaboration  avec  le gouvernement camerounais, le Centre des Nations unies pour les droits de l’Homme et la démocratie en Afrique centrale (CNUDHD-AC), le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme en RDC (BCNUDH), la Mission des Nations unies pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et l’UNESCO. 

Dans son mot de bienvenue, le directeur exécutif de l’association camerounaise des professionnels des médias, Tabe Taryang, le premier à prendre la parole a, au nom de la délégation camerounaise présente à ce forum, tout d’abord souhaité la bienvenue et un bon séjour au Cameroun à tous les participants venus d’ailleurs.  

Il a ensuite remercié les organisateurs de ce sommet novateur qui visait à éradiquer les maux du discours de haine dans une sous-région sujette aux conflits. D’après lui, cet atelier revêt d’une importance capitale pour les journalistes car il arrive au moment où la haine a envahi les médias dans la sous-région d’Afrique centrale.

Au nom de toutes les entités des Nations unies présentes à ces travaux, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale, François Louncény Fall, dans son mot d’ouverture, a fait un rappel historique du rôle néfaste qu’ont joué les médias dans les crises en Afrique centrale, notamment le génocide des Tutsis, au Rwanda en 1994 avec la tristement célèbre Radio-télévision libre des Mille Collines et du journal Kangura, qui ont attisé la haine contre les Tutsis et les Hutus modérés et incité à leur extermination.    

François Louncény Fall  a dressé un tableau sombre de la situation en Afrique centrale, en particulier dans les Etats en proie aux conflits armés, à d’autres crises violentes ou à des processus électoraux tendus. Selon lui, le fléau des discours de haine guette tous les pays d’Afrique centrale et les discours de haine sont utilisés comme arme par de nombreux protagonistes.

Notamment les cas des élections présidentielles au Gabon en 2016, au Cameroun en 2018 et en République démocratique du Congo (RDC) en 2019, qui ont, entre autres, donné lieu à une montée de la haine communautaire ciblant les groupes dont sont issus certains candidats.

Ensuite, dans le drame que vit la République centrafricaine (RCA), en particulier depuis bientôt une décennie, des personnes ont été ciblées et massacrées en fonction de leur appartenance ethnique ou confessionnelle. Au Tchad, les conflits intercommunautaires qui opposent, de façon de plus en plus fréquente, les communautés agricoles et pastorales, notamment dans le sud, le centre et l’est, donnent souvent lieu, par réseaux sociaux interposés, à l’exacerbation des discours de haine. 

Tout en souhaitant des travaux fructueux aux participants, le Représentant spécial du Secrétaire général a indiqué que les médias ont en effet un rôle de premier plan à jouer pour barrer la route à la haine. Ils peuvent prévenir et lutter contre les discours de haine en  faisant tout simplement leur travail dans les règles de leur noble art. 

Cette rencontre poursuivait trois objectifs, à savoir : établir un état des lieux de toutes les initiatives visant à prévenir et à lutter contre les discours de haine en Afrique centrale ; établir un cadre de réflexion dans un contexte de faiblesse des outils de régulation et d’auto-régulation ; entamer une discussion sur le développement d’une stratégie régionale de prévention et de lutte contre les discours de haine dans les médias, conformément au plan de mise en œuvre de la stratégie onusienne. 

Les participants partageront leurs expériences et les meilleures pratiques dans la lutte contre le discours de haine et la xénophobie. Le forum sera sanctionné par la publication des actes, afin de mettre à la disposition des parties prenantes un outil pouvant servir de guide pratique contre les discours de haine.