M. Roger Meece devant le Conseil de Sécurité

19 fév 2011

M. Roger Meece devant le Conseil de Sécurité

New York, 7 février 2011 – M. le Président, distingués membres du Conseil,

1. C'est un honneur pour moi que d'être ici aujourd'hui, alors que vient d'être publié le deuxième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) depuis la résolution 1925. C'est avec plaisir que j'évoque les progrès réalisés dans plusieurs domaines importants du mandat de la MONUSCO, mais je constate également les inquiétudes et problèmes persistants, en particulier concernant la situation dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), comme indiqué dans le rapport du Secrétaire général.

2. Les relations entre la MONUSCO et le Gouvernement congolais ont connu une amélioration constante, comme nous l'a confirmé le Président Kabila lors de sa rencontre avec Mme la Vice-Secrétaire générale et avec moi-même au mois de décembre. La Mission a ainsi pu établir un dialogue très constructif avec des interlocuteurs civils et militaires à tous les niveaux du Gouvernement. Il en a résulté, entre autres, un renforcement de la coopération pour ce qui est de la coordination opérationnelle au plan militaire, des programmes de formation de la police, de l'approche adoptée pour les programmes de stabilisation, et du processus d'évaluation conjointe.

3. Le processus d'évaluation conjointe en cours intègre un examen actif des conditions de sécurité, en utilisant des informations provenant de différentes sources; notamment des organisations non gouvernementales (ONG) et de l'équipe de pays des Nations Unies. Les renseignements recueillis valident la présence de la MONUSCO ainsi que sa stratégie en matière de questions sécuritaires; et permettent aussi d'orienter notre planification future. A ce jour, il n'y pas encore eu de recommandations issues de ce processus pour une modification de la présence et de la stratégie globale de la MONUSCO. Nous continuerons cependant à apporter des ajustements spécifiques en fonction du contexte tactique et de sécurité.

4. La protection des civils reste clairement notre priorité et l'on y concentre tous nos efforts, surtout après les opérations menées par des groupes armés étrangers et locaux dans l'est du pays. Ces groupes continuent d'agir comme des forces prédatrices qui utilisent souvent le viol et d'autres formes de violences comme arme contre les civils. Ce fut le cas dans la zone de Fizi au Sud-Kivu où 50 à 80 cas de violences sexuelles perpétrés par les FDLR ont été signalés au cours des deux dernières semaines du mois de janvier. La MONUSCO continue de faire face à ces incidents et apporte tout l'appui et la protection possible dans cette zone. Par ailleurs, beaucoup trop de cas de crimes commis par les membres des Forces armées congolaises (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC) ont été signalés. Nous collaborons étroitement avec les autorités congolaises pour répondre à ces crimes, et je suis encouragé de constater une augmentation sensible en 2010 du nombre d'arrestations de soldats et de policiers accusés de tels crimes. Par exemple, il y a eu beaucoup de viols et autres crimes commis par les soldats des FARDC au tout début du mois de janvier ; également dans la zone de Fizi, se soldant par au moins 35 victimes de violences sexuelles. Suite à l'intervention rapide des autorités gouvernementales et de la MONUSCO, 11 soldats ont été arrêtés, y compris leur chef et trois autres officiers. De telles actions sont bienvenues pour mettre fin à l'impunité qui règne depuis trop longtemps.

5. Néanmoins, il est important de noter que les systèmes de justice civile et militaire souffrent toujours de lacunes flagrantes. La MONUSCO a pris des mesures pour renforcer les capacités de la justice militaire en matière de poursuites avec l'établissement de cellules d'appui aux poursuites judiciaires grâce au soutien du Gouvernement canadien et du Fonds pour la consolidation de la paix. Mais il reste encore beaucoup à faire. Je constate également que les programmes d'intégration des anciens éléments des groupes armés créent des problèmes supplémentaires. Bien qu'ils représentent un aspect essentiel de l'action menée pour régler le problème des groupes armés congolais indépendants, ces éléments qui sont intégrés sans avoir bénéficié d'une formation adéquate ont trop souvent tendance à être associés à des crimes. Afin de faire face à ce problème et à la nécessité de professionnaliser les services de sécurité congolais, je soutiens vivement tous les efforts visant à augmenter à un niveau adéquat le nombre de formations dispensées aux FARDC. Je voudrais également souligner qu'il est important de renforcer les capacités de la PNC. En septembre, la MONUSCO a initié un programme de formation à long terme des officiers de police nouvellement intégrés avec l'appui financier de l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA), mais il reste encore beaucoup à faire.

6. La cause principale de la violence persistante dans l'est est bien sûr la présence et l'activité des groupes armés résiduels. Parmi ces groupes, les Forces démocratiques de libération du Rwanda gardent toujours la plus grande capacité militaire, opérant essentiellement dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Je peux malgré tout signaler quelques signes encourageants concernant l'action de longue date dirigée contre ce groupe dérivé des anciennes forces FAR/Interahamwe. Les actions menées en Europe contre les principaux dirigeants des FDLR ont clairement démoralisé les forces sur le terrain. De plus, les sanctions du Conseil de sécurité qui ont ciblé ces dirigeants des FDLR et le renforcement des opérations de la MONUSCO menées en collaboration avec les FARDC ont participé a augmenter la pression sur les FDLR et les autres forces dans l'est du pays. Des tensions et des problèmes opérationnels internes ont ainsi émergé au sein des FDLR; et le nombre d'officiers supérieurs qui se sont présentés pour être rapatriés a quelque peu augmenté. Il est certainement prématuré d'affirmer que les FDLR sont en train de s'effondrer, mais les capacités du groupe diminuent et sont sous tensions. Pour la première fois depuis que je suis dans la région, je pense que s'esquissent les grandes lignes d'une résolution finale de cette menace de longue date pour la population de la région. Nous n'en sommes pas encore au succès, mais il y a clairement des progrès. Je pense qu'il est crucial de maintenir, dans toute la mesure possible, la pression politique et militaire pour tirer parti de cette tendance encourageante.

7. Il est évident que la présence d'autres groupes armés reste un problème important, notamment l'Armée de résistance du seigneur (LRA) qui constitue toujours une menace importante avec ses tactiques et ses opérations brutales. Tandis que le nombre de combattants de la LRA au Congo est limité, ces derniers opèrent dans des zones très reculées et la dimension régionale et transfrontière rend difficile le contrôle de la situation. Les différentes actions continuent d'augmenter la coopération internationale, notamment la création fin 2010 d'un centre commun du renseignement et des opérations à Dungu, dans la province Orientale. Le dirigeant de la LRA, Joseph Kony serait resté hors de la RDC ces derniers mois, et à mon avis, en tant qu'élément essentiel de cette organisation qu'est la LRA, on doit continuer de concentrer notre attention sur lui, en complément de nos efforts en cours et de ceux des autres acteurs pour la protection des civils.

8. Je voudrais également dire que le déroulement de la situation au Sud-Soudan à la suite du référendum mérite également une surveillance par rapport aux opportunités possibles pour la LRA, et au contexte sécuritaire général dans la région. Nous sommes en consultation avec des responsables du Gouvernement congolais à propos de ces questions, et avons également initié une planification de circonstance fondée sur des scénarios possibles.

9. Ces derniers mois, la MONUSCO a maintenu le niveau très élevé d'opérations par rapport à la menace que constituent les groupes armés à l'est. On a utilisé une variété de modèles, y compris des opérations unilatérales de la MONUSCO, et celles menées conjointement avec des opérations des FARDC du même ordre. Cependant, toutes ces opérations sont planifiées et menées avec la coopération totale des FARDC et des autorités congolaises. Je suis satisfait de la manière dont cette collaboration a continué à se développer et, bien que nous rencontrions parfois des problèmes, je suis convaincu que cette démarche a été efficace. En effet, on a pu assister à une réduction des opportunités opérationnelles des groupes armés, et à une pression pour encourager le désarmement, le rapatriement ou la réintégration des combattants. Bien évidemment, la totalité de l'appui aux FARDC est fourni conformément à la politique de soutien conditionnel qui est en faveur du strict respect des droits de l'homme. Je suis absolument convaincu que cette posture militaire plus active est nécessaire pour réaliser les conditions d'une sécurité durable. La MONUSCO et le Gouvernement congolais partagent ce même objectif.

10. Je me dois cependant d'évoquer quelques inquiétudes concernant les ressources. La pénurie d'hélicoptères militaires impose d'importantes contraintes aux opérations. Je salue la décision du Gouvernement indien de prolonger jusqu'au mois de juillet l'utilisation des hélicoptères de combat existant. Cette initiative nous donne un moment de répit mais nous sommes toujours confrontés à d'importantes insuffisances qui, selon les prévisions, pourraient augmenter à défaut de recevoir de nouvelles contributions à temps. Dans une certaine mesure, il est possible d'atténuer ces insuffisances en utilisant plus souvent les hélicoptères civils ; mais ceci pèse également sur notre budget déjà utilisé au maximum. Cette situation est également très inquiétante.

11. Je dois également noter que nous poursuivons activement nos efforts, avec plusieurs initiatives visant à fournir une protection accrue contre les menaces imminentes, comme souligné l'année dernière devant le Conseil. On compte parmi ces initiatives, la mise en place de réseaux d'alerte au sein des communautés, l'augmentation du nombre d'interprètes de proximité, l'utilisation de téléphones mobiles avec des numéros pré-enregistrés, des radios à haute fréquence, et autres initiatives. Je ne vais pas déclarer que tous ces efforts entraîneront des résultats parfaits. J'estime cependant que nous avons accompli des progrès considérables pour identifier les risques et réagir rapidement aux cas de violence, et nous continuerons à examiner activement les opérations et initiatives afin de rester aussi efficace que possible dans ce domaine prioritaire.

12. Je voudrais également évoquer les actions menées pour lutter contre l'exploitation et le commerce illicites des minerais servant à financer les groupes armés dans l'est de la RDC. En plus de l'action menée par les Congolais, notamment la mise en place en cours de cinq comptoirs, avec l'appui de la MONUSCO et de plusieurs agences des Nations Unies, et des différentes initiatives prises par les Etats Unies et l'Europe pour contrôler le commerce international ; un important sommet régional s'est tenu à Lusaka en décembre dernier pour aborder cette question. Ce sommet, auquel ont participé le Président Kabila et plusieurs autres dirigeants régionaux, constitue un important pas en avant. J'espère vivement qu'il sera possible de conserver cette dynamique à tous les niveaux, qu'ils soient national, régional ou international.

13. Je voudrais également souligner que des progrès satisfaisants ont été accomplis pour la tenue cette année des élections nationales, qui sont un élément essentiel de la stabilisation à long terme du Congo. La tenue de ces élections représente bien entendu un défi, mais les préparatifs des élections générales avancent. La nécessité d'avoir des conditions d'ouverture et de transparence pour assurer des élections démocratiques réussies est clairement importante. De plus, de telles élections sont cruciales pour la stabilité continue du Congo. La MONUSCO fournit activement un appui logistique; en effet, à ce jour, 2 600 tonnes de matériel électoral a été acheminé vers les 190 pôles principaux et pôles secondaires du pays. Concernant le financement total du budget des élections congolaises, les progrès accomplis sont satisfaisants. Je voudrais cependant exprimer mon inquiétude par rapport aux niveaux du budget de la MONUSCO, car il n'est pas encore établi que nous obtiendrons les fonds dont nous avons besoin dans le budget 2011-2012 pour assurer le soutien logistique nécessaire que nous sommes les seuls à pouvoir fournir. Si la MONUSCO se retrouve confrontée à des insuffisances budgétaires, nous seront obligés d'utiliser les fonds appartenant à d'autres parties du budget de la Mission, ce qui pourrait avoir des répercussions défavorables sur d'autre opérations importantes. Nous sommes engagés dans des discussions actives concernant ces questions essentielles. De toute évidence, le fait de ne pas tenir des élections crédibles représenterait un échec majeur par rapport aux importants progrès accomplis en RDC pendant toutes ces années.

14. Enfin, je pense que nous faisons des progrès importants dans la mise en place de notre mandat de stabilisation, et je dois noter quelques initiatives importantes à l'ouest de la RDC pour avancer cet objectif. Un projet de programme de consolidation de la paix a été préparé avec l'équipe de pays des Nations Unies et les partenaires internationaux. Ce programme a été bien reçu par les autorités congolaises. A la MONUSCO, nous poursuivons un projet pilote innovant visant à remplacer plusieurs postes traditionnels de Chefs de bureau à l'ouest du pays par des postes de Coordonateurs de zone qui seront tirés des agences des Nations Unies. Nous pensons que cette étape renforcera notre capacité à fournir des résultats et améliorera la coordination au sein de la l'Organisation des Nations Unies, conformément au principe d' « Unité d'action ».

15. Avant de conclure, je souhaiterais exprimer ma plus sincère gratitude à l'ensemble des membres du personnel de la MONUSCO et des agences de l'ONU en RDC qui œuvrent sans relâche pour l'ancrage durable de la stabilité dans le pays afin d'assurer un meilleur avenir pour le peuple congolais.

16. J'ai conscience des défis et problèmes actuels, mais avec cet appui, je reste optimiste qu'avec un engagement et un soutien durable, nous sommes sur le chemin menant à la réalisation de la sécurité et de conditions stables que le peuple congolais ainsi que la région méritent amplement. Je vous remercie de votre attention et de l'appui que vous ne cessez de fournir à notre Mission.