Sud-Kivu : D​émarrage du procès des massacres de Mutarule.

Sud-Kivu : D​émarrage du procès des massacres de Mutarule.
15 aoû 2016

Sud-Kivu : D​émarrage du procès des massacres de Mutarule.

Au grand soulagement des victimes dont certaines commençaient à perdre espoir qu’un jour, justice leur sera rendue… Mais c’était sans compter sur la détermination des autorités congolaises à lutter contre l’impunité, mais également sur l’appui de certains partenaires de la RDC, dont les Nations Unies.

Mutarule, 12 août 2016 – Se tiendra, se tiendra pas ? La question a longtemps alimenté les conversations à Mutarule, localité située à une quarantaine de kilomètres d’Uvira dans la Province du Sud-Kivu. Entre menaces sur des témoins et atermoiements des uns et des autres, entre vraies-fausses disparitions de certains éléments d’enquête et autres retards « inexpliqués », le procès des massacres de Mutarule - dont les derniers sont survenus dans la nuit du 6 au 7 juin 2014 a enfin démarré ce vendredi 12 août 2016. Grâce à la promesse et à la détermination des autorités congolaises, mais également avec le soutien (financier, logistique, technique…) de certains partenaires de la RDC tels que le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme, la Monusco (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Search For Common Ground… ou encore l’ONG TRIAL.

Ce vendredi 12 août 2016 restera donc une date inoubliable pour la RDC, le Sud-Kivu et Mutarule. « Un grand jour », dira un habitant de Mutarule, dont la population est venue massivement assister à l’ouverture de ce procès tant attendu. Avec le démarrage de cette audience foraine sur place à Mutarule, c’est la preuve de la volonté des autorités congolaise à lutter contre l’impunité. « En acceptant d’organiser ce procès, note un représentant du Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme de la Monusco-Uvira, nous avons voulu envoyer un signal fort : celui que l’impunité n’a plus droit de cité ici ». Le procès qui s’est donc ouvert ce matin est parti pour durer au minimum 4 semaines, soit du 12 août au 9 septembre. A la barre, 3 prévenus (sur les 7 attendus), dont 2 officiers des FARDC et un civil ! « Trois prévenus seulement », diront certains qui redoutent que les vrais auteurs des massacres de Mutarule ne passent entre les mailles des filets de la Justice. Ils sont poursuivis pour incitation de militaires à commettre des actes contraire à la loi et à la discipline, mais également pour crime de guerre par meurtre, pillage, viol, atteinte à l’intégrité corporelle, attaque contre des civils, attaque contre les biens protégés et destruction des biens. En face d’eux, quelque 80 victimes ayant survécu aux (derniers) massacres du 6 au 7 juin 2014. Ce jour-là à Katekama (Mutarule I), il est 19h : alors que des fidèles d’une Eglise locale sont rassemblés pour une veillée de prière, ils vont être surpris par des tirs nourris à la mitraillette et à la grenade.

Selon des témoins, 17 fidèles sont morts tués par balles dans le hangar construit pour la prière. Pendant ce temps, les agresseurs pénètrent au centre hospitalier où ils abattent deux femmes et un enfant. D’autres assaillants investissent des maisons d’habitations où ils tuent à coup de baïonnette trois personnes avant de les brûler... D’autres personnes qui tentent de s’enfuir sont aussi tuées à bout portant par les assaillants, renseignent les mêmes témoins. Au total, une trentaine de personnes (essentiellement de la Communauté Bafuliiru) vont être tuées, ainsi qu’un militaire des Fardc. Plus de 5000 personnes vont fuir Mutarule, craignant pour leur sécurité.

La Monusco sera par ailleurs mise sur la sellette, accusée de n’avoir pas réagi à temps pour prévenir cette tuerie. Martin Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Chef de la Monusco à l’époque, lors d’une de ses visites à Mutarule, aura d’ailleurs ces mots : « nous avons failli, ça a été un échec pour la Monusco », avant de promettre que « désormais, plus rien ne sera comme avant » et d’instruire la Force de la Mission onusienne de dorénavant agir, avant de poser des questions (ce sera le fameux Act, Don’t ask) ; cela, dans le souci de mieux protéger les populations civiles.

A l’origine de cette violence meurtrière, une accumulation de conflits d’origines diverses, dont certains remontent à l’époque coloniale.

La population de Mutarule dit attendre beaucoup de ce procès. Pour savoir qui sont les commanditaires de ces massacres qui ont presque fait voler en éclats la (déjà si) fragile paix communautaire. Le président du Conseil Territorial de la Jeunesse d’Uvira, André Byadunia, espère que ce procès « devrait rétablir la confiance rompue entre les Communautés Bafuliiru et Barundi ». De son coté, Etienne Togera, président des Jeunes de la Plaine de la Ruzizi affirme que la population de Mutarule « attend que les coupables de cette tragédie soient identifiés et punis. Cela va apaiser les esprits et pourrait servir de modèle au reste de la RDC où des tueries similaires sont commises… ». Le procès qui a démarré ce jour est donc très attendu par une population avide de justice. Une justice qui devra dire le droit, indépendamment des considérations tribales et communautaires. 

Jean-Tobie Okala

Photos: Monusco/Jean-Tobie Okala