Beni : l’engagement des médias dans la lutte contre la désinformation

Cette conférence-débat visait à engager une réflexion collective entre les professionnels des médias et leurs partenaires de la MONUSCO et des FARDC, qui luttent au quotidien contre les groupes armés. / Photos MONUSCO

3 juin 2024

Beni : l’engagement des médias dans la lutte contre la désinformation

Jean-Tobie Okala

C'est autour du thème de leur rôle dans la lutte contre la désinformation que les professionnels de médias de Beni, réunis sous la bannière de la Mutuelle des journalistes de Beni (MJB), ont planché ce vendredi 31 mai à l'Espace Sheraton de cette ville du Nord-Kivu. Pour ce faire, quatre-vingt-cinq professionnels de la plume, dont 16 femmes, ont échangé avec la MONUSCO et les FARDC, deux partenaires qui subissent régulièrement ce phénomène dont les conséquences impactent négativement aussi bien la lutte contre les groupes armés que la cohésion sociale.

« Nous sommes dans une zone opérationnelle, en situation de guerre depuis plus d’une décennie. Nous avons constaté qu’il y a une montée en flèche des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; et cela a généré l’accroissement de la désinformation qui contribue à la persistance de la guerre. Dès lors, si les journalistes sont suffisamment outillés sur la lutte contre la désinformation, nous pensons que cela peut contribuer à la pacification de notre région », explique Milan Kayenga, président de la Mutuelle de journalistes de Beni et journaliste à la Radio Moto.

La région de Beni est en proie à une insécurité persistante depuis plusieurs années. De nombreux groupes armés y sévissent, commettant des exactions contre les populations civiles et les soumettant à divers abus.

La désinformation, « un poison dans cette région en proie à l’insécurité »

Depuis des années, l'armée nationale (FARDC), appuyée par les Casques bleus de la MONUSCO, mène une guerre dite « asymétrique » contre les groupes armés. Toutefois, cette guerre est souvent minée par la désinformation qui compromet les actions civilo-militaires. Les fausses informations véhiculées par les réseaux sociaux, les médias classiques ou le bouche-à-oreille incitent certains habitants à adopter des comportements de résistance, voire de défi, face aux forces de défense et de sécurité. La confiance en leurs militaires et policiers s'effrite, tandis que les Casques bleus de la MONUSCO sont fréquemment accusés d’« inefficacité ».

« Je suis journaliste à Beni depuis trois ans, je réalise à quel point la désinformation constitue un danger, que dis-je, un poison, dans cette région en proie à l’insécurité. Lorsque les gens ne sont pas correctement informés ou qu'ils sont exposés à de fausses informations, cela peut déclencher des actions violentes entraînant parfois la perte de vies humaines, souligne une participante à cette rencontre.

Le chef de Bureau de la MONUSCO/Beni abonde dans le même sens. Selon Josiah Obat, la désinformation empêche parfois la MONUSCO d’exécuter son mandat de protection des civils dans la région de Beni-Butembo et Lubero, où certains individus, victimes de ce phénomène, n’hésitent pas à s’en prendre aux convois de casques bleus. « Actuellement, il est difficile pour la population de démêler le vrai du faux. Cette confusion entrave parfois l'accès de la MONUSCO, la privant ainsi de sa capacité d'intervention lorsque des informations peu fiables ont déjà circulé », s’inquiète-t-il.

Être des médecins de la désinformation

Régulièrement pointés du doigt pour être parmi les principaux acteurs de la désinformation, les médias (sociaux et classiques) ont en effet une part de responsabilité non négligente dans la propagation des ‘’fake news’’.  Cette conférence-débat visait à engager une réflexion collective entre les professionnels des médias et leurs partenaires de la MONUSCO et des FARDC, qui luttent au quotidien contre les groupes armés. L'objectif était de sensibiliser chacun aux dangers de la désinformation et de les encourager à changer leurs pratiques pour devenir des "médecins de la désinformation".

« Personnellement, j'estime qu'il est plus que temps de combattre plus énergiquement ce phénomène pour sauver des vies et surtout favoriser le retour de cette paix qui s'éloigne chaque jour un peu plus, à cause aussi de cette désinformation », a déclaré un participant membre d’une radio locale.

Et Guilaine Kahumula, journaliste à la Radio Télé Espoir, de renchérir : « Les gens de Beni croient plus facilement aux fausses informations qu’à celles qui sont données par les médias. Cela nous pose un sérieux problème. En tant que journaliste, ce que je fais désormais c’est : je reçois une information ou un message provenant de médias sociaux, je vérifie d’abord qui a écrit ce message, d’où il vient, son auteur est-il fiable ? Je contacte la source qui va donner la vraie version que je vais diffuser à la radio ».

Le président de la Mutuelle des journalistes de Beni, Milan Kayenga, a conclu en réitérant solennellement l’engagement de ses pairs « à contribuer à leur niveau à la lutte contre la désinformation dans la région, afin de préserver des vies humaines. La désinformation est un poison qui distille de fausses informations, notamment en accusant à tort les militaires ou la police de tuer des civils. En mettant fin à cette désinformation, on peut sauver des vies humaines et restaurer la paix dans la région ».