Général Derrick Mgwebi: Les SEA « trahissent la confiance de ceux que nous sommes venus protéger…cela est inacceptable ! »

Général Derrick Mgwebi: Les SEA « trahissent la confiance de ceux que nous sommes venus protéger…cela est inacceptable ! »

Le Commandant de la Force de la MONUSCO, le Général Derrick Mgwebi. Credit Photo: MONUSCO

14 aoû 2017

Général Derrick Mgwebi: Les SEA « trahissent la confiance de ceux que nous sommes venus protéger…cela est inacceptable ! »

Dans le cadre de la Politique de Tolérance zéro des Nations Unies en matière d’exploitation et d’abus sexuels, la directive émise par le Commandant de la Force de la MONUSCO, le Général Derrick Mgwebi préconise des mesures proactives pour prévenir ce genre d’agissement répréhensif dans les rangs de la Force, ainsi que des mesures réactives pour que toute allégation de SEA soit traitée de façon appropriée.  Les commandants des contingents sont tenus de veiller à ce que leurs hommes ne commettent pas de tels actes et qu’en cas d’allégation de SEA, la Police militaire de la Force est autorisée à appuyer l’Equipe de Conduite et Discipline (CDT) de la Mission dans  la conduite de l’enquête préliminaire sur les faits allégués.  Dans l’entretien qui suit, le Général Mgwebi nous parle, en détail, de ce dispositif préventif et répressif contre les SEA. Entretien :

Les Nations Unies prennent les allégations d’abus et d’exploitation sexuels perpétrés par son personnel très au sérieux. En tant que Commandant de la Force de la MONUSCO, comment ces allégations affectent-t-elle vos troupes et la capacité de la Mission à remplir son mandat?
Général Derrick Mgwebi : Le maintien de la paix est axé sur la construction de relations de confiance avec les populations que nous sommes chargés de protéger. Toute allégation prouvée de SEA mettant en cause notre Force brise cette confiance – une confiance difficile à gagner et facilement perdue. On ne peut pas abuser et protéger la population en même temps. En outre, toute allégation mine le moral professionnel de ces soldats qui commettent des abus, ce qui contrarie notre volonté d’exercer nos devoirs. C’est pourquoi, en tant que Commandant, je prends cette question extrêmement au sérieux.  Les SEA sapent la confiance placée en nous par la population et réduit notre capacité à combattre.

Que faites-vous à la MONUSCO pour mettre fin à ce fléau ?
Comme je l’ai dit, je prends ce problème très au sérieux. En avril 2016, j’ai donc émis une directive à l’intention de la Force, sur l’exploitation et les abus sexuels, incitant toutes les unités à prendre des mesures proactives pour prévenir les SEA au sein de la Force.  Ces mesures comprennent des séances de formation régulières, des séances d’information obligatoires dirigées par le Commandement, un ensemble de services de loisirs et de récréation pour le bien-être des soldats, la mise en vigueur des zones interdites, des couvre-feux, d’une politique de non-fraternisation avec la population locale et de la politique de tolérance zéro en la matière. Cela s’est fait en lien avec nos processus en cours visant l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité entre les genres. Dans ma directive,  j’ai ordonné la mise en place de  mesures rapides et adaptées pour appuyer les services civils de la Mission dans la conduite des enquêtes.

La Force a la responsabilité d’évaluer la performance des Casques bleus et leur adhérence aux règles de conduite et de discipline de l’ONU, notamment en ce qui concerne le respect des règles visant à prévenir les actes d’exploitation et d’abus sexuels – Quelles actions avez-vous entreprises dans le cas d’une évaluation négative?
Je tiens mes commandants pour responsables de tous actes de SEA survenant au sein de leurs unités ainsi que de l’application de la politique de tolérance zéro. Chaque fois qu’une allégation est faite, elle fait l’objet d’une enquête par la Police des Nations Unies (UNPOL) et la CDT, avec l’appui du Chef de la prévôté de la Force (Force Prevost Marshall), si nécessaire. Si nous constatons qu’une unité a ignoré la directive sur les mesures proactives ou a essayé de dissimuler le mauvais comportement, nous dénonçons le pays concerné. Dans toute unité qui n’a pas mis en œuvre ma directive ou n’a pas réussi à le faire, je tiens le commandant pour responsable. Dans ce cas, je fais des recommandations au siège de l’ONU pour que les commandants et / ou les unités concernés soient rapatriés et j’explique comment ils ne sont pas à même de servir à nouveau avec l’ONU.

Avez-vous espoir de voir un jour cette question résolue avec des solutions durables ?
Notre formation – en particulier le Code de conduite  et les briefings du leadership  pour les  troupes en combinaison avec la fourniture de services de loisirs et de bien-être – est conçue pour inculquer un changement de comportement au sein de la Force afin de prévenir les SEA. Nous intégrons également à toutes nos activités, d’autres directives  que nous avons concernant l’intégration de la dimension genre, la protection de l’enfance et le CRSV pour établir des thèmes communs et une approche commune inter-agences.  Avec ce cycle de mesures proactives pour s’attaquer au mauvais comportement, et une méthode claire et transparente pour fixer les normes, identifier et punir ceux qui ne respectent pas les normes, j’espère que nous pouvons réduire les taux d’incidents d’abus, résolvant par là le problème autant que faire se peut.

Les actes d’exploitation ou d’abus sexuels affectent de manière dramatique la vie des victimes mais aussi de ceux qui les commettent?
Les victimes qui sont exploitées par des membres de la Force sont soumises à des comportements qui causent des préjudices parfois incommensurables en brisant la confiance que la communauté a placée en nous pour la protéger. Les victimes peuvent ressentir les répercussions de nos actions pour le reste de leur vie ; elles sont souillées par les comportements médiocres de ceux qui étaient censés les protéger, ce qui les laisse exposées à la marginalisation sociale et à des problèmes de santé durables. Ceci est inacceptable ; ça décrédibilise notre présence et porte atteinte à nos objectifs en tant que Force de maintien de la paix. Et au sein de la Force, cela sape notre cohésion morale, qui est un élément clé de notre capacité. Cela aura également des répercussions sur le soldat. Je n’hésiterai donc pas à rapatrier des soldats ou des unités, et je recommanderai un examen de la force  déployée au sein des Nations Unies par le pays contributeur concerné.

Général, vous êtes un soldat. En tant que soldat, vous servez votre pays, mais en tant que Casque bleu, vous servez l’ONU et celles et ceux qu’elle protège. Quelle est votre message à vos troupes, en tant que Casques bleus, mais aussi en tant que soldats des nations qu’ils représentent ?
Nous sommes là pour protéger ; en commettant des actes de SEA, vous trahissez les populations mêmes que vous êtes venus servir. En outre, vous déshonorez votre uniforme et votre pays. Au-dessus de nos drapeaux nationaux, se trouve le drapeau de l’ONU, car nous sommes ici dans ce pays en proie à un conflit, pour représenter l’ONU et, au nom de celle-ci, protéger le peuple de ce pays.  Les SEA aggravent la situation et rendent la vie des civils encore pire. Le mandat de l’ONU est de protéger et les SEA portent atteinte à notre mandat et trahissent les valeurs et principes de la Charte de l’ONU et de ceux qui l’ont écrite. Donc en se livrant à de tels actes, les auteurs trahissent non seulement leurs collègues, amis et compatriotes, ils trahissent aussi le consensus de la population mondiale qui les a envoyés ici.