General de Brigade Patrick Dube: “Nos forces sont prêtes à servir avec détermination et au prix de sacrifice suprême”

Le général de Brigade Patrick Dube, commandant de la Brigade d'Intervention de la Force, en compagnie du Commandant de la Force de la MONUSCO, le Général Ricardo Augusto Ferreira Costa Neves. Photo MONUSCO/Michael Ali

15 juil 2020

General de Brigade Patrick Dube: “Nos forces sont prêtes à servir avec détermination et au prix de sacrifice suprême”

Sy Koumbo S. Gali

|INTERVIEW|

Alors qu’il s’apprêtait à quitter le Nord-Kivu, après avoir servi pendant deux ans comme commandant de la FIB dans la zone opérationnelle de Beni, le général de Brigade sud-africain Patrick Dube est revenu sur le travail accompli dans le cadre de la mission de protection des civils de la MONUSCO, notamment les opérations contre les ADF, que la Brigade d’Intervention de la Force (FIB) soutient. Une interview réalisée par Sy Koumbo S. Gali.

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Sy Koumbo S. Gali : Vous êtes en fin de mission aujourd’hui, après avoir passé deux années à la tête du commandement de la Brigade d’intervention de la Force de la MONUSCO, FIB. Quel sentiment avez-vous au moment de quitter Beni pour votre pays, l’Afrique du Sud?

Général de Brigade Patrick Dube : Je rentre chez moi avec un sentiment mitigé. Premièrement, durant les deux années que j’ai passées ici, on a noté la présence des groupes armés nationaux et étrangers, notamment les ADF et les Maimai, lesquels ont mis à mal la paix et la sécurité dans la région. Le sentiment positif que j’aie, est que, malgré cette présence, actuellement ces rebelles ne sont plus dans leurs bastions traditionnels tels que Mwalika, Mayangose, ou dans le triangle de la mort. Bon nombre d’entre eux sont dispersés, et leur capacité de nuisance réduite. Il faut aussi signaler que nombreux parmi ces rebelles ont été tués lors des différentes opérations. Je peux dire ici que, durant les trois derniers mois, du matériel sophistiqué de combat a été utilisé pour appuyer les offensives des FARDC dans le triangle de la mort. Nous les avons appuyées par des techniques intelligentes de combat. Ça veut dire que nous avions la capacité de localiser ces rebelles afin de permettre aux FARDC de les neutraliser. Et lors de ces opérations, les rebelles ont perdu certains leaders, ainsi qu’un lot important de leurs équipements. Je pense qu’à ce niveau, ensemble avec les FARDC, nous avons réussi à constituer de vrais obstacles sur le chemin de ces rebelles qui, dans leur fuite ont, malheureusement encore, poursuivi leurs agressions contre les populations civiles. Ils utilisent ces derniers temps la technique de guérilla dans la forêt, mais ils n’iront pas loin. Ça, c’est un sentiment positif et un message d’espoir avec lequel je quitte la région de Beni et la RDC. Mon collègue, le nouveau commandant est déjà à Goma, en confinement. Il sera ici d’ici quelques jours, et je sais qu’il va continuer ce que nous avons entamé comme opérations de traque, avec les FARDC, pour mettre fin aux actes terroristes des ADF.

Suivez l'interview en anglais :

S.K.S.G. : Ne partez-vous pas avec un sentiment de travail inachevé, puisque malgré le soutien que la MONUSCO apporte aux opérations de traque des FARDC contre les groupes armés, les ADF restent toujours une grande menace pour la population ?

G.B.P.D. : C’est vrai, le travail n’est pas fini. Il y a encore de petits groupuscules des ADF, spécialement dans les périphéries des agglomérations où les opérations se déroulent. Ces bandits vivent aujourd’hui grâce à la collaboration avec certains habitants des villages des  milieux reculés. Ils vivent aussi de pillages et de vols des biens de la population. Et leurs collaborateurs sont partout dans cette région, notamment ici à Beni, ou à Oicha, Butembo ou Eringeti. Ce sont eux qui leur donnent les moyens de leur survie. Et donc, si seulement nous pouvons couper ce lien d’appui et de soutien venant des collaborateurs de ces rebelles, je vous assure que ces derniers quitteront la brousse, parce qu’ils n’auront rien comme aide ni appui. Parce que, les produits de première nécessité, les crédits de téléphone, où les trouvent-ils ? Qui le leur donne ? Ce sont ces collaborateurs, qui se cachent parmi la population! Et ils sont partout. Je crois que le message de prise de conscience doit être adressé à ces gens-là : ‘Ce n’est pas de cette façon que nous allons vivre, ce n’est pas de cette façon que nous devons nous comporter, ce n’est pas de cette façon que nous devons nous flageller ; nous ne devons pas admettre que ces rebelles agissent avec brutalité tels que décapiter des civils, pendant que quelques-uns continuent à les soutenir. Ce genre de comportement doit cesser’.

Nous ne devons pas admettre que ces rebelles agissent avec brutalité tels que décapiter des civils, pendant que quelques-uns continuent à les soutenir. Ce genre de comportement doit cesser.

S.K.S.G. : Quel conseil ou message pourriez-vous, ou allez-vous laisser à votre successeur qui est aussi sud-africain comme vous, avant de partir ?

G.B.P.D. : Le Général de Brigade Monwabisi Dyakopu n’est pas nouveau dans cette zone opérationnelle. Il a même été ici en 2016-2017. C’est pour dire qu’il arrive dans une région qu’il connait bien. Mon message pour lui est de voir comment mettre en place un mécanisme qui permette de couper le canal d’appui et de soutien à ceux qui soutiennent et collaborent avec les ADF afin que ces rebelles n’aient aucune chance de survie. Il doit aussi se rapprocher de la communauté pour passer le même message : couper toute communication et appui à ce mouvement rebelle. C’est l’unique conseil que je peux donner. Il doit reprendre le travail là où nous l’avons laissé, en collaborant avec la communauté, et en faisant de la communauté son partenaire de sécurité, mais aussi en s’appuyant sur les forces de sécurité. Il doit tout faire pour solidifier la collaboration avec les FARDC, car les FARDC sont au front et attaquent l’ennemi. Nous, nous leur venons en appui, nous les soutenons en logistique dans les zones des opérations. C’est ça mon message pour mon successeur. Et je sais que son travail qui va se faire dans la continuité, va aider à créer la différence dans le travail sur le terrain.

S.K.S.G. : Avez-vous un message particulier à vos partenaires, les FARDC ?

G.B.P.D. : Mon message aux FARDC est de garder haut le moral et le mental. Nous nous sommes fixé des objectifs ; et ces objectifs sont clairs : neutraliser tous les groupes armés dont les ADF qui brutalisent et pillent les communautés. Mon message pour eux est que les forces de la Brigade d’intervention de la MONUSCO, FIB, sont là pour les assister jusqu’à ce que les ADF soient neutralisés. A la population, elle doit continuer à nous aider en termes d’information, car la clé de sa protection est aussi entre ses mains. Mais elle doit aussi prendre la décision de couper la relation entre les ADF et leurs collaborateurs. Ceci permettra que les opérations aillent vite et permettent d’éradiquer ces rebelles. Là, je suis sûr que sa protection sera assurée par les FARDC et la MONUSCO.

S.K.S.G. : Un message à vos collègues de la MONUSCO ?

G.B.P.D : Ça été pour moi une opportunité de rencontrer le staff local, très coopératif, avec qui j’ai beaucoup travaillé sur la situation qui prévaut dans la région. Je suis vraiment reconnaissant. Je dois dire au staff local de continuer à travailler dans ce sens, de coopérer avec la MONUSCO pour que finalement nous arrivions à mettre fin aux actes terroristes des ADF. Pour le staff international, j’ai beaucoup appris d’eux, et ceci est le fruit d’une bonne collaboration aussi. Si nous évoluons dans ce sens, notre travail donnera des résultats satisfaisants, et nous ne manquerons pas d’être un modèle de changement pour la République démocratique du Congo. Pour les troupes, les militaires, ils savent bien que nous devons maintenir haut le moral et le mental jusqu’à la fin de notre mission. Je sais très bien qu’ils opèrent dans des conditions très difficiles dues à l’insécurité mais aussi à Ebola, et aujourd’hui, la Covid19. Nos forces ont connu des pertes en vies humaines à cause des attaques des groupes armés. Mais malgré ces difficultés, ils sont toujours prêts à servir, avec détermination, et au prix du sacrifice suprême. Ainsi je sais qu’ils vont bien travailler avec le général Jacob, et nous verrons la différence dans un futur proche.