A Goma, des acteurs étatiques et non-étatiques réfléchissent aux causes profondes des conflits armés dans les sites miniers

En territoire de Walikale, à la sortie des puits, de jeunes creuseurs artisanaux de minerais tamisent la cassitérite avant de l'ensacher. / Photos Alain Wandimoyi

27 juil 2023

A Goma, des acteurs étatiques et non-étatiques réfléchissent aux causes profondes des conflits armés dans les sites miniers

Alain Wandimoyi

Afin d’identifier les mécanismes à mettre en place pour assurer une bonne gouvernance et en finir avec les conflits armés qui occasionnent des massacres de populations civiles, la MONUSCO a réuni du 18 au 19 juillet dernier à Goma les acteurs opérant dans le secteur minier de la province du Nord-Kivu.

L’organisation de cette rencontre est l’une des recommandations des pourparlers de Nairobi qui cherchent à identifier les causes profondes des conflits armés dans et autour des sites miniers afin de proposer des pistes de solutions pouvant aider à y mettre fin.

L’atelier a réuni autour d’une même table des acteurs étatiques et non étatiques, des opérateurs miniers, des élus provinciaux des circonscriptions de Walikale et Masisi, des responsables de l’ONG Congo Peace, Alert International, de l’Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (EBUTELI), ainsi que l’Observatoire de la société civile congolaise pour les minerais et la société civile en général.

Ces assises ont porté sur les minerais dit 3T, c’est-à-dire étain, tungstène et tantale, exploités dans ces deux territoires du Nord-Kivu et qui font l’objet des conflits armés mettant la vie des civils en danger. Ensemble, les participants ont passé en revue les causes profondes et autres facteurs favorisant ces conflits dans et autour de ces sites.

Ils ont à l’unanimité fait allusion à la multiplication des groupes armés, la cession des terres aux concessions minières, le manque d'infrastructures routières, la pression sur l'exploitation minière à la place de l'agriculture, la sur-militarisation des sites miniers, la priorisation du sous-sol sur le sol...

Pour permettre à l’Etat d’améliorer sa gouvernance minière, différents scénarios ont été proposés et des recommandations formulées. Les participants ont estimé que la restauration de l’autorité de l’Etat dans toutes les zones en conflit armé reste l’épicentre qui pourrait apporter des réponses holistiques aux préoccupations de la population.

Parmi les solutions envisageables à court terme, il a également été noté que l'État devrait favoriser le secteur agricole en investissant dans l'agriculture qui a un impact direct sur la population, et garantir l'accès équitable à la terre.

Prolifération des groupes armés

Pendant le débat, il est clairement apparu que malgré tous les efforts consentis à ce jour pour pacifier les zones minières et améliorer la chaîne d’exploitation, ces régions, en l’occurrence Masisi et Walikale, continuent d’enregistrer des conflits armés.

Le groupe d’experts des acteurs miniers a relevé plusieurs faits préoccupants qui justifieraient la persistance des conflits autour des sites. Ces experts ont soulevé la question de la sur-militarisation des sites, le chômage juvénile ainsi que l’absence de services sociaux de base.

Yvette Mwanza, présidente de la chambre des mines à la Fédération des entreprises du Congo (FEC), a décrié la persistance de cette situation qui, pour elle, n’a que trop duré. Elle a interpellé l’Etat congolais : « L’Etat devrait restaurer son autorité et faire en sorte que l’exploitation minière ne soit pas une source de conflits mais qu’elle contribue à son édification ».

Abondant dans le même sens que la présidente de la chambre des mines à la FEC, Reagan Miviri, chercheur à l’Institut congolais sur la politique, la gouvernance et la violence a lui aussi rappelé que « l’État reste l’acteur principal pour éradiquer les groupes armés et favoriser l’accès équitable de tous aux ressources naturelles ».

La question relative à la prolifération des groupes armés est revenue dans presque toutes les interventions. « Avant, il y avait moins de 50 groupes armés, mais aujourd’hui, nous en comptons plus de 150 qui occupent des sites miniers. Est-ce que c'est normal ? », s’est interrogé Fidèle Bafilemba, coordonnateur du Groupe d’Appui à la Traçabilité et la Transparence dans la Gestion des Ressources Naturelles. Poursuivant sa réflexion, il a insisté sur le fait que chaque partie prenante doit se remettre en question et faire une introspection par rapport à sa contribution à la construction d’une paix durable.

Rappelons que la MONUSCO a appuyé l’organisation de ces assises pour aider à trouver des voies et moyens de sortir de cette problématique des conflits armés autour de l’exploitation minière, conformément à la recommandation issues des pourparlers de Nairobi. L’épineuse question évoquée était de savoir d’où provient le financement des groupes armés ? La provenance de leurs armes et munitions ?

Poursuivant cette réflexion, Maître Odia Kalinda de l’ONG Congo Peace Center, a insisté sur le fait qu’étant partenaires de l’Etat, les acteurs opérant dans le secteur minier, ont tous le devoir de s’impliquer à la recherche des solutions pérennes. « Pendant l’atelier, nous avons poussé la réflexion afin de voir comment sortir de ce problème auquel nous n’arrivons pas à mettre fin. Lorsque je parle de nous, je sous-entends tous les acteurs confondus, bien que ce soit l’État qui ait le devoir de rétablir la paix », affirme-t-il.

Les recommandations issues de cet atelier ont été couchées sous forme de feuille de route. Elles ont ensuite été transmises au secrétariat du processus de Nairobi, dirigé par le facilitateur Uhuru Kenyatta, ancien président de la République du Kenya. La MONUSCO, à travers sa division des Affaires politiques, accompagne ce projet dans trois provinces de l’est de la RDC dans le cadre de son appui au processus de paix de Nairobi dont l’objectif est de mettre fin à l’activisme des groupes armés actifs en RDC.