Général Awale Abdounasir: “Notre objectif à tous c’est d’arriver à zéro cas de SEA”
Avec sa Task Force essentiellement accès sur la lutte contre les abus et l’exploitation sexuels au sein de la Police de la MONUSCO, le Général Awale Abdounasir est convaincu que la MONUSCO verra les allégations diminuer dans les années à venir. Il s’est confié là dessus à Gweny Noukou.
Les Nations Unies prennent très au sérieux les allégations d’abus et d’exploitation sexuels perpétrés par son personnel. En tant que Commissaire de la police/MONUSCO, comment ces allégations affectent-t-elle vos troupes et la capacité de la Mission à remplir son mandat ?
Il faut dire que c’est un phénomène qui interpelle tout le monde. Tous les Casques bleus doivent se sentir interpelés dès qu’un cas d’abus se déclare. La lutte pour l’éradication de ce fléau, nous la menons à tous points de vue, et donc quand il y a défaillance quelque part, cela touche tout le monde, cela affecte le moral de la troupe. Sur la question des opérations, je dois souligner que la discipline et le respect des consignes représentent quelque chose de très particulier. De sorte que quand il y a un manquement commis ne serait-ce que par une seule personne, cela affecte automatiquement les hommes sur le terrain et cela a également un impact indirect sur les opérations que nous conduisons.
Que faites-vous personnellement pour mettre fin à ce fléau ?
Je dirai d’abord qu’il y a les règles générales de sensibilisation, de formation, d’édiction de directives et ainsi de suite. Mais au niveau de la police, nous avons ajouté à toutes ces mesures un point très particulier qui est le principe de la non-fraternisation avec la population locale. Il s’agit là d’une directive liée au comportement en général et en particulier au comportement lié à la fréquentation des lieux dits « à risque ». Donc au sein de la police on a strictement interdit d’avoir ce comportement. L’autre mesure qu’on a introduite, c’est qu’on a mis en place des couvre-feux partout. C’est-à-dire que les Casques blues de la Police de la MONUSCO ont maintenant des heures pendant lesquelles ils ne doivent pas se trouver à l’extérieur de leur base. Et on a, bien entendu, des patrouilles à l’extérieur pour vérifier. Donc tous ces mécanismes sont mis en place pour prévenir tout abus ou tout cas d’exploitation sexuelle.
Vous avez la responsabilité d’évaluer la performance des personnels et leur adhérence aux règles de conduite et de discipline de l’ONU, notamment en ce qui concerne le respect des règles visant à prévenir les actes d’exploitation et d’abus sexuels – Quelles actions avez-vous entreprises concrètement dans le cas d’une allégation avérée?
Nous avons élaboré une stratégie, nous avons élaboré des plans d’action et nous avons mis en place des mécanismes de veille et d’alerte pouvant nous donner les informations pour réagir très rapidement. Le leadership de la Mission a non seulement pris conscience du problème mais il est déterminé à tout faire pour que cette politique de tolérance zéro soit respectée à tous les niveaux. Quant à l’action à engager lorsqu’un cas s’avère, les choses sont très claires là-dessus.
Nous veillons à ce que tout le monde soit mis au même niveau d’information sur ce sujet. Certes, nous faisons toutes ces mesures pour prévenir des cas, mais s’il y a des allégations, on envoie immédiatement une équipe pour vérifier. Et si un cas s’avérait, la procédure est la suivante : d’abord il y a des mesures individuelles et collectives. L’auteur de cet acte-là est mis immédiatement sous enquête et son rapatriement est acté le plutôt possible. Non seulement le Casque bleu est rapatrié mais il est demandé à son pays d’engager des poursuites contre lui. Donc ce n’est pas parce qu’il quitte la RDC que ce cas-là sera impuni. Pour cela, on rassemble tous les éléments de preuves et on demande au pays concerné d’engager des poursuites.
L’autre mesure c’est qu’à partir du moment où, la police des Nations Unies a un certain nombre de troupes, un certain nombre d’Officiers, on demande la surveillance réciproque, dans chaque unité ou section. Cela veut dire que tout le monde doit travailler de ce point de vue, et si un cas advient, il y a la mesure collective qui s’applique de façon à ce que tout le monde soit sanctionné parce que c’est un travail collectif qui n’aura pas été fait. Et on fait en sorte que l’ensemble de la Police de la MONUSCO soit mis au même niveau d’information et soit donc au courant des risques encourus en cas d’abus.
Avez-vous espoir de voir un jour cette question résolue avec des solutions durables ?
Non seulement je crois mais je suis convaincu au vu de la manière dont nous procédons, qu’on arrivera à zéro cas. Vous n’êtes pas sans savoir que grâce aux efforts fournis dans ce domaine, la MONUSCO a aujourd’hui réduit de 50% le nombre de cas répertoriés. Il reste beaucoup de travail à faire et je suis convaincu que dans un futur proche on arrivera à zéro pourcent, ce qui est notre objectif à tous et que nous sommes tous engagés, et encore une fois la majorité y travaille, et je suis persuadé qu’on y arrivera très rapidement.
Vous n’êtes pas sans savoir que les actes d’exploitation ou d’abus sexuels affectent de manière dramatique la vie des victimes mais aussi de ceux qui les commettent. Comment faites-vous comprendre cela à vos hommes ?
Mon adjoint et moi sommes sur le terrain régulièrement, nous parlons aux hommes et également aux femmes pour leur expliquer que nous sommes venus en RDC dans le cadre d’une mission de maintien de la paix pour aider les populations et non en aucun cas user de notre position pour en tirer bénéfice ; en aucun cas. Voilà, c’est un langage ferme que nous tenons et nous allons continuer ce langage ferme, et je suis persuadé que dans un futur proche on aura des résultats. J’irai encore plus loin, d’abord pour dire que se livrer à l’exploitation et l’abus sexuels est un comportement criminel, et donc inacceptable. C’est traumatisant pour la victime, qu’elle soit homme ou femme. Bien entendu, la MONUSCO, avec les collègues de l’Equipe de Conduite et Discipline, travaille beaucoup sur la prise en charge des victimes. C’est un volet important pour les Nations Unies, non seulement pour faire en sorte que l’auteur soit puni, traité à la hauteur de l’acte qu’il a commis, mais également qu’il y ait réparation pour les victimes. Donc ce type de comportement, je le répète, n’est pas acceptable et ne sera jamais toléré. Et je suis persuadé que dans un futur proche, tous ensemble on arrivera à éradiquer ce fléau.