Ituri : 40 hectares de maïs pour renforcer la paix dans la région de Nyankunde

Ce projet de réduction des violences communautaires a été financé par la MONUSCO à hauteur de 90.000 dollars américains. / Photos MONUSCO

21 déc 2023

Ituri : 40 hectares de maïs pour renforcer la paix dans la région de Nyankunde

Lilianne Nyatcha

« Nous ne voulons plus de conflit. Nous ne voulons plus de violences. Nous voulons plutôt le développement. Je demande aux jeunes de nous rejoindre dans ce projet agricole qui pourra nous aider à nourrir et à scolariser nos enfants ».

Joël K. T. est un ancien milicien. Il était membre du Front Patriotique Intégrationniste du Congo (FPIC), groupe armé actif depuis 2019 dans le territoire d’Irumu, en Ituri. Ayant rejoint le processus de désarmement, il est aujourd’hui l’un des 100 bénéficiaires du projet à Haute intensité de main d’œuvre (HIMO) lancé en mai 2023 par la MONUSCO à travers sa section Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR).

Joël ne regrette pas d’avoir quitté la brousse où il a passé les cinq dernières années de sa vie en compagnie de sa famille avant de rejoindre ce programme. Pour lui, le moment est venu de tourner la page des conflits pour vivre une vie normale. « Je dis à tous les jeunes de quitter la brousse. L'unique travail rentable et bénéfique pour le développement, c'est l'agriculture. Avec ce maïs, je n'aurai plus faim et cela m'encourage à travailler davantage pour le développement », ajoute-t-il.

Face à lui, un champ de maïs de 40 hectares s’étend à perte de vue. Il se trouve dans le village Sezabo 3, groupement Chini Ya Kilima, chefferie des Andisoma, dans le territoire d’Irumu, en Ituri.

Ce projet de réduction des violences communautaires a été financé par la MONUSCO à hauteur de 90.000 dollars américains. Parmi les 100 bénéficiaires directs, on compte 50 hommes, des ex-combattants, ainsi que 50 femmes vulnérables qui ont eux-mêmes préparé la terre, puis planté les semences offertes par la Mission.

300 autres personnes vont bénéficier indirectement de ce projet pilote dont la seconde phase interviendra après la récolte. Il s’agit notamment de la transformation et de la commercialisation du maïs.

240 tonnes attendues

Comme Joël, le chef des Andisoma, Jean-Gaston Herabo attend lui aussi la récolte avec impatience et espoir. Ce sera la récompense de plusieurs mois de dur labeur pour les membres de sa communauté qui ont contribué avec détermination à la matérialisation de ce vaste projet. Sur les 240 tonnes de maïs attendues, 30 % seront distribués aux bénéficiaires pour leur consommation personnelle. Le reste sera transformé en farine grâce à l’installation d’une minoterie, puis vendu essentiellement sur les marchés de la région.

Selon François Masumboko de la section DDR, la MONUSCO prévoit, en outre, la construction d’un dépôt pour la conservation du maïs et d’un bâtiment semi-durable qui accueillera l’unité de transformation. Les recettes issues de la vente de la farine seront réinvesties afin de doubler la surface du champ et d’augmenter non seulement les revenus des bénéficiaires, mais aussi leur nombre et également pérenniser le projet.

Jean-Gaston Herabo promène un regard joyeux sur le champ qui semble sans limites. Il n’a aucun doute quant à la réussite et à la pérennisation de ce projet agricole d’envergure du fait qu’il est porté, selon lui, par toute la communauté Bira. « Je me réjouis de l’adhésion de la communauté à travers le chef du groupement, le chef du village, les anciens, les femmes et les jeunes. C’est forts de ce soutien que nous avons cédé 40 hectares de terres de la communauté pour ce projet pilote qui commence chez nous. La réussite de cette expérience constituera un exemple pour les combattants qui n’ont pas encore intégré le programme de désarmement », assure-t-il.

Symbole de réconciliation

Le chef du bureau de la MONUSCO en Ituri, Marc Karna Soro, partage le même espoir. Se frayant difficilement un chemin au milieu des larges feuilles de l’immense champ de maïs lors d’une visite d’évaluation de l’exécution du projet en novembre dernier, il a assuré que la Mission tiendra ses engagements jusqu’au bout. Pour lui, la bonne exécution de ce projet test « va montrer aux autres combattants que c’est possible et qu’il existe une autre option que les armes ».

Karna Soro a félicité tous les acteurs impliqués dans l’exécution et la conduite de ce projet agricole rendu possible grâce au retour de la paix dans la région, après les dialogues intra-communautaires Bira, puis inter-communautaires Hema et Bira. Ils avaient été tenus en 2022, respectivement à Nyankunde, siège de la chefferie des Andisoma, et à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, avec l’appui de la MONUSCO à travers sa section des Affaires civiles.

« Ce projet est une contribution de la MONUSCO à la restauration et à la consolidation de la paix, et il revient aux populations de le maintenir avec le soutien de partenaires tels que les agences et les autorités avec lesquelles la MONUSCO est en discussion pour l’après retrait de la Mission », a prévenu Karno Soro.

« Dans cette perspective, il n’y a pas de place pour les armes », a plaidé le chef des Andisoma qui appelle tous les jeunes de sa communauté à quitter les rangs des groupes armés pour rejoindre ce projet de développement afin de contribuer au retour des populations déplacées et à la volonté générale d’aller vers une paix définitive.

« Et la MONUSCO est le ciment de cette réussite », a conclu le chef coutumier qui se dit heureux de constater le retour d’environ 40 à 50% des habitants de Ndete, Amabo, Nongo, Kakalaza et bien d’autres villages du groupement Tchini ya Kilima qui en compte treize. Ils avaient déserté ces villages depuis plus de vingt ans à cause des violences.