Les femmes d’Uvira se disent « fatiguées de la guerre et de l’insécurité »

17 oct 2014

Les femmes d’Uvira se disent « fatiguées de la guerre et de l’insécurité »

Le 15 octobre, à l’ occasion de la double commémoration de la Journée mondiale de l’Alimentation et la Journée mondiale de la Femme rurale, les femmes du territoire d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, ont organisé une caravane pour dire non aux violences intertribales dans leur territoire. La situation sécuritaire à Uvira est en effet caractérisée par des massacres interethniques répétitifs dûs à la haine tribale et ethnique, ainsi que par des actes de violence sexuelle se commettant quasi quotidiennement.

Plusieurs milliers de femmes issues de différentes communautés locales ont pris part à cette « Caravane de la Paix » qui a bénéficié de l’appui financier, technique et logistique du Gouvernement provincial et des Nations Unies (MONUSCO, ONU Femmes, FAO et Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs).

Constituée de nombreux véhicules arborant des banderoles portant des messages de paix, la caravane avait pour but d’attirer l’attention sur la situation sécuritaire difficile qui prévaut dans le territoire d’Uvira en particulier et dans l’Est de la RD Congo en général.

Les messages des participantes dénonçaient la haine tribale, l’intolérance, l’impunité et l’insécurité, et appelaient à la paix, à l’unité et à l’entente.

Le Gouvernement provincial ayant souhaité commémorer cette journée avec les femmes rurales de la Plaine de la Ruzizi, c’est donc de là, précisément à Katogola, à quelque 60 km d’Uvira, qu’est partie la caravane, le Gouverneur du Sud-Kivu, Marcellin Cishambo, en tête, pour finir devant le Bureau du Territoire, à Uvira. Impliquant des femmes de toutes les communautés d’Uvira, cette initiative avait pour objectif de promouvoir la cohabitation pacifique, la restauration de la paix et le développement durable de ce territoire.

Elle s’inscrit au nombre de douze actions proposées par les femmes Bafuliiru, Barundi, Banyamulenge, Bashi, Barega, Babembe, Kacongo, lors du forum organisé en août 2014 par ONU Femmes, en partenariat avec le Ministère provincial du Genre.

Le forum s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies portant sur les Femmes, la Paix et la Sécurité.

Adoptée le 31 octobre 2002, cette résolution traite de quatre grands thèmes, à savoir :

· la prise en compte des questions d’égalité des sexes dans les rapports et les systèmes de mise en application des Nations Unies ;

· l’inclusion de formation sur les sexospécificités dans les opérations de maintien de la paix ;

· la participation des femmes à tous les niveaux de prise de décisions et au processus de paix ;

· la protection des droits des femmes et des jeunes filles.

Par cette « Caravane de la Paix », les femmes entendaient lancer un signal fort pour dire non à la guerre et à la violence.

Egalement un signal fort en direction des seigneurs de guerre et autres leaders d’opinion pour dire que les femmes sont fatiguées de l’insécurité qui les empêche de cultiver leurs champs et d’envoyer leurs enfants à l’école. Et pour dénoncer une situation qui plombe le développement de cette partie de la RDC. Que ce soit à Bwegera-Luberizi, ou à Sange, ou à Uvira, bref tout le long de l’itinéraire emprunté par l’imposant convoi, les femmes ont délivré des messages de paix. A l’étape de Mutarule, localité tristement connue pour le caractère répétitif des massacres qui s’y sont produits, les derniers datant de juin dernier, les participants à la caravane se sont inclinés devant les tombes des victimes.

La responsable du Service Genre, Famille et Enfants du Territoire d'Uvira, Marie Mitila Ponga, s’est exprimée pour expliquer le sens de cet événement. « Les femmes peuvent réussir là où les hommes ont échoué à construire la paix. À travers cette caravane de la paix, les femmes ont voulu faire entendre leurs voix pour dire qu'elles sont fatiguées de la guerre, qu'elles sont fatiguées de rester veuves ; elles veulent la paix ; les femmes d'Uvira ne veulent pas le tribalisme, elles réclament la paix et rien que la paix dans la Plaine de la Ruzizi. »

La journée a également été marquée par les discours prononcés par les personnalités suivantes : l’Administrateur du Territoire d’Uvira, la Représentante de d’’ONU Femmes en RDC, la Représentante de la FAO, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la RDC, le Représentant du Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies dans la Région des Grands Lacs, et le Gouverneur de la Province du Sud-Kivu.

Le Gouverneur, Marcellin Cishambo, a déclaré que son Gouvernement a « levé l’option de travailler avec les femmes et les Nations Unies pour ramener la paix et la sécurité au Sud-Kivu en général et dans la Plaine de la Ruzizi en particulier, pour qu’enfin, on ne parle plus de massacres à Mutarule ou ailleurs, mais plutôt de développement ». La Journée s’est achevée par la plantation de « l’arbre de la Paix » par le Gouverneur de Province, un lâcher de colombes et la remise symbolique d’intrants agricoles aux femmes par la FAO. Une façon d’aider ces femmes à se tourner vers l’avenir.

Jean-Tobie Okala/MONUSCO