Protéger les droits des autres, « un besoin primordial au Kasaï »

Protéger les droits des autres, «un besoin primordial au Kasaï». Photo MONUSCO/Joel BOFENGO

17 déc 2018

Protéger les droits des autres, « un besoin primordial au Kasaï »

Joel Bofengo

Le 70e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme a été également célébré à Kananga. Quatre jours après la date officielle du 10 décembre, cette célébration a été l’occasion de rappeler l’importance de ce texte qui pour la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, « a été pensé comme une feuille de route pour guider les peuples du monde entier à l’abri des conflits et des souffrances et pour veiller à ce que les relations au sein des sociétés et entre les États soient durables et pacifiques. »

« A l’abri des conflits et des souffrances… » Des mots qui font sens dans cette région du Kasaï qui a connu des terribles violences en 2016 et 2017.

Essoh Essis, le chef de bureau de la MONUSCO à Kananga a d’ailleurs insisté sur ce point. Il a notamment souligné qu’il était nécessaire dans cette région que chacun prenne la défense des droits de l’autre.

Cet anniversaire est un rappel de ce que «la protection des droits les uns et des autres demeure une urgence prioritaire, un besoin primordial dans cette zone ».

« Ce rappel peut nous encourager à bannir toute forme de vengeance personnelle, de prise entre nos mains de la justice », a poursuivi M. Essis.

Moussa Ouoba, le coordonnateur du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme à Kananga a prolongé la réflexion allant jusqu’à inviter les participants - autorités civiles et militaires, membres de la société civile, défenseurs des droits de l’homme - venus assister à cette manifestation à se lancer un défi quotidien.

« Tous les matins avant de quitter votre domicile, fixez-vous un objectif de défendre les droits des autres. Pas forcément vos droits. Mais les droits de ceux qui en ont besoin. Si je suis un agent de l’administration, tous les jours, je vais me poser la question : Est-ce que mon travail permet de mettre en œuvre les droits contenus dans la déclaration universelle ? Si je suis un simple citoyen, je vais aussi m’interroger sur mon rôle dans la société pour aider les autres à pouvoir jouir de leurs droits », a lancé Moussa Ouoba qui a mis en garde contre la tentation de l’indifférence face aux violations des droits des autres.

« Des droits sacrés »

Le directeur de cabinet du gouverneur du Kasaï-Central, M. Philippe Kanku qui représentait l’autorité provinciale a insisté, pour sa part, sur la « sacralité » des droits humains.

« Les droits de l’homme sont des droits sacrés au nom de la sacralité de la personne humaine. Dans le récit biblique, l’homme est à l’image de Dieu. Donc, le respect des libertés humaines doit caractériser toutes les nations y compris la nôtre. Nous devons prendre l’engagement de continuer ce combat », a fait savoir Philippe Kanku.

Un combat qui n’est pas encore gagné, a-t-il insisté.

« C’est un combat dont on ne peut pas dire à ce jour qu’il est gagné parce que même dans les plus vieilles démocraties ce combat continue. En République démocratique du Congo, nous devons davantage soutenir ce combat pour qu’on arrive à cette société vivable où tous les droits sont suffisamment respectés », a expliqué M. Kanku.

« Orangez le monde !»

Alors que dans la salle de réunion du siège du gouvernement provincial, on célébrait le 70e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, à moins de 500 mètres de là à la « Maison du barreau », on discutait également des droits. Ou plus exactement de la protection de la dignité de la femme.

Une grosse affiche barre d’ailleurs le mur de clôture de ce bâtiment. On peut y lire : « Orangez le monde : mettez fin à la violence à l’égard des femmes. »

A Kananga, les 16 jours d’activisme contre les violences sexuelles se poursuivent encore jusqu’au 20 Décembre pour avoir débuté en retard.

Dans le cadre de cette campagne, une conférence a été organisée par la coordination provinciale de lutte contre les violences sexuelles. Des hommes de loi y ont été invités notamment le procureur et le bâtonnier du Kasaï central. Occasion pour les nombreuses militantes associatives présentes dans la salle de poser le problème de la prise en charge judiciaire des violences sexuelles.

Un récent rapport du barreau Kasaï central pointait du doigt les nombreux arrangements à l’amiable qui surviennent à la suite des viols dans la région du Kasaï. Peu de cas aboutissent à des condamnations.

Josée Mbuyi, responsable de l’ONG « Santé, action sociale pour tous », estime nécessaire de véhiculer l’information comme un moyen d’accentuer la lutte. Dans son intervention, le bâtonnier du Kasaï central a fait savoir qu’il existe un bureau de consultation gratuite au barreau pour accompagner judiciairement les victimes de violences sexuelles démunies.

« Il faut que les femmes soient au courant de cette aide légale gratuite qui est offerte au niveau du barreau même au niveau du parquet général pour dire qu’elles ne sont pas seules, qu’il y a des gens qui les accompagnent », résume Josée Mbuyi.

En outre, la militante réclame plus de sanctions pour les auteurs des violences sexuelles.

« Nous avons formulé notre demande pour qu’il y ait des sanctions exemplaires parce qu’on se dit que s’il y a des sanctions exemplaires, ceux qui voient iront aussi raconter aux autres pour dire : Si vous faites ça, voilà les conséquences », explique la responsable de l’ONG « Santé, action sociale pour tous.»

En ce vendredi 14 décembre à Kananga, à la « Maison du barreau » comme au bâtiment du gouvernement provincial, il s’est agi de la défense des droits de l’homme. Car défendre les femmes contre les violences sexuelles, c’est aussi défendre l’universalité des droits de l’homme.

Comme l’a déclaré le secrétaire général de l’ONU dans son message pour le 70e anniversaire de la déclaration universelle, « les droits de l’homme sont universels et éternels. »

« Ils sont également indivisibles. On ne peut pas choisir un droit au détriment de l’autre, parmi les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels », a fait savoir Antonio Guterres.