Radio Okapi : 15 ans au service de la Paix ... Mais aussi d'émulation de l’espace médiatique congolais.

Radio Okapi : 15 ans au service de la Paix ... Mais aussi d'émulation de l’espace médiatique congolais.
3 mar 2017

Radio Okapi : 15 ans au service de la Paix ... Mais aussi d'émulation de l’espace médiatique congolais.

25 février 2002-25 février 2017: Radio Okapi a fêté ses 15 ans d'existence. Pour ses 15 ans, outre des agapes grandioses dans un palace kinois, le plus beau cadeau à la radio et son personnel a été le déménagement de sa rédaction centrale dans des locaux mieux adaptés au Quartier Utex à Kinshasa.  L'histoire de la Radio Okapi est étroitement liée à celle de la République démocratique du Congo actuelle, mais aussi à celle de la Mission des Nations-Unies dans ce pays, Monuc devenue en 2010 Monusco.

Leila Zerrougui, ancienne DSRSG, parlant de cette radio, avait eu ces mots: "c'est l'une de nos plus belles réussites en RDC". Martin Kobler, SRSG, lui préférait parler de "l'un de nos meilleurs Ambassadeurs...". L'actuel SRSG Maman Sidikou estime que "beaucoup de Congolais ont vu leur vie changer, grâce aux informations données et aux messages transmis, à travers les différentes émissions de Radio Okapi (...) qui apporte une contribution considérable à la paix. Dès sa création en 2002, Radio Okapi a été l’un des rares médias au Congo à accompagner le processus de réunification et de pacification du pays". Pour le Ministre congolais des Médias Lambert Mende qui s'exprimait le samedi 25 février à Kinshasa au dîner de gala offert à l'occasion des 25 ans de Radio Okapi, "comme toute Mission de maintien de la Paix, la Monusco quittera un jour le Congo, et l'un des meilleurs héritages qu'elle nous aura laissés est la Radio Okapi". Le Docteur Denis Mukwege, "l'homme qui répare les femmes" victimes de violences sexuelles, se demande ce "que serait devenue notre population sans la Radio Okapi… la seule radio qui couvre toute la RDC et qui essaie d'être le plus possible impartiale" ? On estime aujourd'hui que plus de 25 millions de Congolais écoutent chaque jour les programmes de la Radio Okapi, soit le tiers de la population totale du pays : une véritable performance dans un environnement médiatique des plus concurrentiels...



Voilà donc 15 ans que la Radio Okapi, née d'un mariage entre la Fondation suisse Hirondelle et les Nations Unies, informe, sans déformer, divertit sans tomber dans l'excès ni vulgarité, éduque sans se substituer aux livres ou enseignants... Quinze ans de bonheur, d'heurts mais aussi et parfois malheureusement de malheurs, avec des chocs (pertes de collègues...), tentatives de muselage de certaines autorités... Car oui, radio Okapi dérange parfois, de par sa liberté de ton, son professionnalisme... Quinze ans que cette radio accompagne la RDC dans sa reconstruction, sa nouvelle vision de l'État de droit. Quinze ans que cette radio permet aux Congolais du Nord au Sud, de l'est à l'ouest, d'établir des ponts. Seule " véritable radio nationale" en RDC, la radio Okapi, grâce aux moyens humains, matériels et financiers mis à sa disposition par ses bailleurs successifs (Ambassades de Suède, France, Suisse, Grande-Bretagne, ....) et depuis sa reprise en main intégrale par les Nations-Unies, cette radio aura grandement contribué à l'unification de la RDC. Avec radio Okapi, le Congo était devenu UN avant sa véritable unification obtenue à la faveur de la fin de la sanglante guerre des années 1998-2000.

Dans certaines Provinces de la RDC, le rôle et le "poids" de la radio Okapi sont devenus si importants qu'aucune cérémonie officielle pourrait difficilement commencer avant l'arrivée d'un journaliste de la radio Okapi ! Sans exagération aucune, comme la télévision dans certaines démocraties occidentales, c'est la radio Okapi qui "dicte" le programme des manifestations... Un procureur de la République ne nous confiait-il pas il y a quelques années que " quand le journal de radio Okapi passe, nous arrêtons notre travail pour prendre carnets et crayons, afin de suivre ce qu'il se passe partout ailleurs en RDC, mais surtout, pour ce qui est de notre province, de noter tous les faits contraires à la loi et éventuellement d'initier des enquêtes..." ? De là à penser que radio Okapi agit en OPJ ? Mais un OPJ qui a toujours instruit à charge et à décharge : deux sons de cloche pour un même dossier. Jamais d'accusations gratuites, rarement des imputations dommageables. Car la ligne éditoriale est claire: les faits, rien que les faits et toujours les faits vérifiables. Pas de prise de position, pas de parti pris, pas d'analyse politique... Oui, radio Okapi, c'est l'Eglise au vrai milieu du village.

Adulée par ses auditeurs, respectée par ses concurrents, détestée par certaines (autorités) qui l'accusent de dire à haute voix ce qui se dit tout bas ou même d’héberger des « journalistes militants », radio Okapi vient de se doter d'un Comité éditorial VIP : Représentant spécial du SG des Nations Unies et Chef de la Monusco, Agences des Nations Unies (dont Unesco…), Directeur de l’Information publique de la Monusco, Organes de régulation des Medias en RDC (UNPC, OMEC…). Pour mieux prendre en compte ces critiques donc. Car Radio Okapi n’est pas exempte de tout reproche, comme toute œuvre humaine. Au fil de ses 15 ans, il est arrivé que certains ont parfois pris quelques libertés avec la déontologie. Quelques fois seulement… Et c’est très rare pour être souligné.

Mais comment les confrères jugent-ils cette radio ?

A Uvira au Sud-Kivu, on ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la « Radio de la Paix ». Invités lors d’un mini-forum organisé à l’occasion des 15 ans de Radio Okapi, les confrères ont unanimement salué le « professionnalisme de Radio Okapi ». André Ndegu de la RTNC-Uvira met en avant « l’accès équitable à la parole : toutes les couches confondues de la population, toutes les classes sociales, toutes les tendances politiques du pays ont la parole sur Radio Okapi », écrit-il.

Pour Gaius shabilepa Musimbi de la Radio Le Messager du Peuple, Radio Okapi « est une radio qui non seulement réunit le peuple congolais, mais est également une source d’inspiration et de formation pour le monde médiatique congolais. Nous sommes le fruit de la formation de Radio Okapi ». Cependant, ce confrère pointe quelques faiblesses chez Radio Okapi : « malgré qu’elle soit captée dans toutes les Provinces de la RDC, Radio Okapi se focalise surtout sur Kinshasa. Je constate aussi que les stations installées dans les Provinces n’arrivent pas à informer sur beaucoup de choses du fait qu’elles n’ont qu’une heure de décrochage quotidien ». Autre faiblesse de Radio Okapi selon ce confrère, « pour la Musique, je me rends compte que Radio Okapi ne fait que la promotion des artistes musiciens Kinois qui ne chantent que presqu’exclusivement en Lingala, alors que dans les Provinces il y a d’autres talents qui ne savent où se faire connaitre ».

Pour l’avenir; le confrère souhaite qu’une fois la Monusco sera partie du Congo, « l’on cherche une autre organisation de Nations Unies ou une Fondation privée qui pourrait reprendre Radio Okapi et continuer à l’appuyer pour perpétuer la culture démocratique que nous vivons sur Radio Okapi avec son espace de liberté d’expression ».


Texte et photo : Jean-Tobie Okala