Embargo sur les armes, plan de retrait, «inefficacité» au front : les jeunes débattent avec le leadership de la MONUSCO à Beni

Josiah Obat, chef de bureau, a répondu aux multiples questions des jeunes concernant le départ de la Mission du Congo. / Photos Michael Ali

28 oct 2022

Embargo sur les armes, plan de retrait, «inefficacité» au front : les jeunes débattent avec le leadership de la MONUSCO à Beni

Joel Bofengo

Par moments, les échanges furent vifs. Cependant, aux dires même du chef de bureau de la MONUSCO à Beni, l’exercice était nécessaire. Pour célébrer la journée des Nations Unies (normalement le 24 octobre), le bureau de la Mission à Beni a convié jeudi 27 octobre une trentaine de jeunes de la ville à une discussion sur leur perception du travail de la MONUSCO. En juillet et août derniers, des manifestations hostiles à la présence de la mission onusienne au Congo ont été organisées. Dans certaines villes de l’est du pays, elles ont dégénéré en violences, faisant des morts et des blessés.

Beni a également connu des manifestations. Ce qui a conduit la Mission à réduire quelque peu ses activités et le mouvement de son personnel, tout en gardant son engagement auprès des autorités congolaises pour la protection des civils dans cette région où la situation sécuritaire est loin d’être stable.

«Vous ne faites rien»

Lors de cette rencontre avec les jeunes, le bureau de la MONUSCO à Beni souhaitait une discussion franche et sincère. Il a été servi. Les trente étudiants et membres des associations de la jeunesse qui ont répondu présents à l’invitation ont orienté leurs premières questions vers le travail de la MONUSCO. Un étudiant de l’Institut supérieur de développement rural, assenant même à la fin d’une question sur les massacres des civils à Beni : «Vous ne faites rien», pour pointer ce qu’il considère comme une «inefficacité» de la mission dans la lutte contre les groupes armés.

Un autre, membre du Parlement des jeunes, a soulevé la question de la longévité de la mission onusienne en RDC, s’interrogeant sur le bien-fondé d’une telle structure qui, selon lui, n’apporte pas de résultats équivalents au coût qu’elle nécessite.

"La paix ne s’achète pas au supermarché"

Accompagné des chefs de section, le chef de bureau a fait preuve de pédagogie. Il a commencé par assurer les jeunes qu’il comprenait leur exaspération. Josiah Obat a affirmé qu’il était au moins autant meurtri qu’eux quand il apprenait un nouveau massacre de civils.

Au sujet du bilan du travail de la MONUSCO en RD Congo, il est revenu sur l’histoire de la Mission depuis son arrivée dans le pays, lequel était alors occupé par des mouvements qui contrôlaient des régions entières.

«Aujourd’hui, nous ne sommes plus présents qu’au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Récemment, nous avons quitté le Tanganyika. C’est la preuve que nous allons dans la bonne direction. La paix gagne du terrain», a-t-il expliqué.

Complété par les autres collègues de la MONUSCO présents au cours de de cette discussion, le chef de bureau a insisté sur le fait que la paix était « un processus long qui demande un engagement constant de tous les acteurs : citoyens, autorités, forces de sécurité et partenaires du gouvernement ».

Pour bien se faire comprendre, il a tenté la métaphore, expliquant que la paix n’était pas un produit que l’on peut acheter au supermarché pour répondre à un besoin immédiat.

«Rien ne nous ferait plus plaisir que de voir le Congo retrouver sa stabilité afin que la MONUSCO parte», a répondu Josiah Obat aux multiples questions des jeunes concernant le départ de la Mission du Congo. Il a indiqué qu’un processus de retrait est déjà en discussion avec le gouvernement. «La MONUSCO n’a pas vocation à rester éternellement au Congo», a-t-il martelé, expliquant cependant que ce retrait doit être «responsable».

Le danger de l’ignorance

A la fin de la discussion, certains jeunes ont confié en avoir appris beaucoup sur le travail de la MONUSCO et le soutien multiforme qu’elle apporte aux institutions du pays.

Un étudiant s’est notamment dit surpris d’apprendre que certaines sections de la MONUSCO intervenaient auprès des autorités au sujet de la détention de personnes dans les cachots et prisons du pays.

Pour sa part, Samuel-Don Katembo, président du Parlement des jeunes de la ville de Beni, a fait savoir que les rumeurs et la désinformation entretiennent les jeunes dans une certaine ignorance au sujet de la MONUSCO. Ce qui, selon lui, a des conséquences graves sur le rapport que les jeunes entretiennent avec la mission onusienne dans la région de Beni.

«Il y a beaucoup de choses qui circulent dans la communauté et que l’on pensait être vraies. Il y a notamment la question de l’embargo d’achat d’armes qui frapperait notre pays. Ça a été révélé ici que c’était du mensonge. Mais aussi, ce qui n’était pas à notre disposition, c’est la voie de sortie de la MONUSCO. Les gens pensent que la MONUSCO veut rester ici alors que depuis plusieurs années, la MONUSCO est en train de sortir peu à peu d’une province à une autre. Et dans le Nord-Kivu, il n’y a que deux entités où elle est présente, Goma et Beni. Dans d’autres milieux, ils sont déjà partis. Donc, c’est pour dire qu’ils sont en train de partir lentement», a expliqué M. Katembo.

Présents lors de cette discussion qui a duré un peu plus de deux heures et demie, le maire de la ville et le commandant urbain de la police ont insisté sur l’appui de la MONUSCO aux institutions congolaises pour améliorer leur fonctionnement. Les deux ont notamment cité le soutien apporté à la police nationale pour assurer la sécurité des habitants de Beni.