La MONUSCO soutient le journalisme d’investigation dans le Nord-Kivu

La MONUSCO soutient le journalisme d’investigation dans le Nord-Kivu. Photo MONUSCO/Jules Ngala

27 mai 2019

La MONUSCO soutient le journalisme d’investigation dans le Nord-Kivu

Jules Ngala

Conflits armés, tueries, enlèvements, détournements : autant des faits qui caractérisent la vie au Nord-Kivu et qui sont couverts de manière superficielle par les journalistes locaux. Conséquence : le public de Goma consomme une information incomplète et non valorisée.

Pour amener les journalistes à rectifier le tir, la MONUSCO a organisé, du lundi 13 au vendredi 17 mai dernier à Goma, un atelier de 5 jours sur le « Journalisme d’investigation » en faveur d’une vingtaine de journalistes de la ville, médias traditionnels et nouveaux médias confondus

« Dans le paysage médiatique congolais en général, les journalistes s’illustrent par un journalisme d’accompagnement ». 

Le formateur désigné, Nicaise Kibel’Bel Oka, Directeur du journal Les Coulisses paraissant à Beni, estime que, dans le paysage médiatique congolais en général, les journalistes s'illustrent par un journalisme d'accompagnement.

Lui-même journaliste d’investigation et écrivain, il est l’auteur de plusieurs livres qui analysent le phénomène de l’insécurité persistante dans le territoire de Beni depuis 2014.

Dans l’un de ses 5 livres intitulé « L’avènement du Jihad en R.D.Congo », 2016, Nicaise Kibel’Bel s’applique à démontrer, par plusieurs enquêtes journalistiques, que les massacres récurrents imposés aux populations de Beni depuis plusieurs années sont le produit d’un Islamisme aveugle. Il en profite pour définir le journalisme d’investigation comme le « Journalisme d’enquête ».

Une enquête qui ne peut se faire sans « Hypothèse », dira-t-il. D’où journalisme d’investigation, journalisme d’enquête ou journalisme par hypothèse. Ce genre journalistique part toujours d’un Reportage dont la réponse à certaines questions du fameux principe de « 5 W » restent sombres. C’est donc la recherche des réponses aux questions non élucidées dans les 5W qui déclenchent l’enquête journalistique.

Implication de la MONUSCO

Bien avant l’intervention du formateur, la MONUSCO par le canal de Julius FONDONG, Chef de la section des Affaires politiques et Chef de bureau a.i. de la MONUSCO à Goma, a ouvert l’atelier en mettant en exergue le rôle de la mission, celle d’accompagner la consolidation de la sécurité en RDC, notamment par le renforcement des capacités des journalistes, qui jouent un rôle très important dans ce cheminement vers un état de droit réel.

Occasion pour Amadou BA, responsable de la communication stratégique et l’Information publique à la MONUSCO à Goma, d’inviter les journalistes au respect des valeurs fondamentales du journaliste congolais telles que définies dans le Code de déontologie. Notamment les valeurs d’objectivité, de neutralité et d’indépendance du journaliste. Mr Amadou n’a pas manqué de revenir sur le fameux « Coupage » qui, selon lui, avilit le journaliste dans sa quête de l’information.

Faire de l’investigation une passion

Avec de nombreux exemples tirés de sa propre expérience comme journaliste d’investigation en région de Beni, le formateur Nicaise Kibel’Bel a démontré que « Quiconque voudrait pratiquer ce genre doit faire de l’investigation une passion ». Quitte à subir le martyr. Il doit aussi se munir de plusieurs armes dont la plus importante demeure la connaissance de la loi. Notamment celle sur la presse en RDC de 1996, particulièrement à propos de délits de diffamation et d’injure.

Au-delà, le journaliste d’investigation est appelé aussi à tisser des relations personnelles.  Non seulement celles-ci peuvent constituer des sources précieuses, mais aussi elles peuvent « intervenir » en cas de procès sur plainte d’un tiers, n’a cessé de répéter le formateur.

Un atelier tourné vers la pratique

Par l’expérience vécue personnellement mais aussi par de nombreux exercices pratiques, le formateur a voulu que cet atelier soit celui du « learning by doing ». Ainsi les deux premiers jours de l’atelier ont consisté à pousser la vingtaine d’apprenants à marquer le distingo entre le reportage et l’investigation.

« Le Reportage montre alors que l’Enquête démontre », conclura le formateur avant de soumettre les apprenants à des exercices pratiques variés pour les 3 derniers jours de l’atelier. Les exercices faits en 4 groupes de 5 seront corrigés au cinquième jour de l’atelier, à la satisfaction des participants.

Cet atelier aura surtout le mérite d’avoir permis de mettre en place, à Goma, une équipe des journalistes pouvant mener des enquêtes journalistiques dans plusieurs affaires non élucidées jusqu’aujourd’hui. Particulièrement l’assassinat de deux journalistes de Radio Okapi à Bukavu, Serge Maheshe et Didas Namujimbo, en 2006-2007. Mais aussi le meurtre d’un journaliste de la RTNC/Goma, Chamwami Chalubuto, en 2013. Mais la région grouille d’autres affaires qui méritent aussi que des journalistes spécialisés s’y penchent. Le cas de nombreux cas de fraude minière et de détournements de deniers publics.

Pourvu que le journaliste se pose toujours la question fondamentale de savoir : « est-ce faisable actuellement ? », a insisté mr. Nicaise Kibel’Bel Oka, l’intervenant principal dans cette formation. C’est par la remise des Attestations de participation aux apprenants assidus que l’atelier sur le journalisme d’investigation a été clôturé, le vendredi 17 mai 2019 à midi. Jamais je n’avais vu des journalistes de Goma aussi accrochés à une session de formation « sans prime ».