La réintégration des enfants-soldats au rythme de la capoeira

11 fév 2015

La réintégration des enfants-soldats au rythme de la capoeira

Ginga, cadera, queda de três, queixada, esquiva base,… une quarantaine d’enfants pratiquent en cadence les pas de capoeira sous la supervision de Dieudonné et Rafael, moniteurs capoeiristes et Volontaires de l’ONU chargés de la gestion du projet ‘’Capoeira pour la Paix’’. Un projet dont l’objectif est d’initier les enfants démobilisés à la pratique de la capoeira.

Chaque mardi et jeudi après-midi, Dieudonné Mosikikongo Nkoy, alias Ninja, et Rafael Cabanillas, alias Cabelo, se rendent au Centre de Transfert et d’Orientation (CTO) pour entrainer des enfants démobilisés. Déployés en août 2014 auprès du projet Capoeira pour la Paix, ils ont comme mission de coordonner les activités de Capoeira au CTO. ‘’L’idée du projet Capoeira pour la Paix est d’introduire la capoeira dans les programmes de réinsertion sociale pour les enfants sortis des groupes armés, explique Rafael, et ainsi compléter les activités éducatives et récréatives par une activité sportive.’’

Le CTO accueille des enfants entre 12 et 17 ans récemment démobilisés au Nord Kivu. Pendant trois mois, les enfants y suivent un programme de resocialisation, qui comprend diverses activités : l’initiation aux arts et métiers, sports et loisirs, dont la capoeira, des cours d’alphabétisation, etc. C’est aussi le temps nécessaire pour procéder à la réunification familiale, puisqu’à la fin de leur séjour, les enfants retournent dans leur famille.

L’entrée dans la roda : Un art-thérapie

La capoeira est un art martial afro-brésilien qui combine musique, danse, acrobaties et combats non violents. La pratique de la capoeira par des enfants victimes de violence permet de les aider à exprimer leur colère et frustration tout en douceur.

Bien plus qu’un art martial, la capoeira est aussi une philosophie de vie, une pratique où il n’y a en réalité ni combats, ni vainqueurs, ni perdants et qui repose sur un ensemble de valeurs. ‘’A travers le jeu et les échanges, la capoeira offre un espace de paix à ces enfants. Le jeu, pratiquée en roda, ou ‘’cercle’’, place tout le monde au même niveau, sans distinction entre les joueurs, et exige la participation de tous, que ce soit en tant que joueurs, musiciens ou public tapant des mains. C’est un espace d’égalité et de fraternité où l’enfant peut réapprendre les valeurs de respect, de partage et du vivre-ensemble’’, explique Dieudonné.

Par ailleurs, grâce à son côté fédérateur, la capoeira relie les joueurs entre eux, construit des amitiés et permet de développer la solidarité entre les enfants, ce qui favorise leur intégration sociale et leur développement personnel. ‘’La relation avec les enfants bénéficiaires est le point fort de mon affectation VNU. Nous pouvons directement voir des résultats tangibles des entrainements que nous donnons: Repliés sur eux-mêmes au départ, les enfants petit à petit recommencent à rire et à reprendre confiance en eux-mêmes et dans les autres,’’ continue Rafael.

Un tandem de choc

Dieudonné Nkoy Mosikingo, Congolais, et Rafael Cabanillas, Mexicain, travaillent ensemble sur le projet Capoeira pour la Paix. Tous deux capoeiristes professionnelles, Ninja et Rafael ont le même souci du prochain mais se complètent.

Ingénieur Mécanique de formation, Rafael s’est réorienté vers le social et s’est reconverti en éducateur spécialisé: ‘’Ça correspondait à mes aspirations’’, dira-t-il. Fort de son expérience avec les enfants des rues au Costa Rica, Rafael apporte son savoir en pédagogie infantile et en gestion de projets alors que Ninja contribue avec sa connaissance de la langue et suit les enfants dans leur développement personnel.

Pour Ninja, intégrer le projet Capoeira pour la Paix, c’est avant tout partager son expertise et sa passion avec les enfants. ‘’La capoeira, c’est ma vie ! raconte-il. La capoeira m’a sorti de la rue. Maintenant c’est à mon tour d’aider ces enfants en partageant ma passion avec eux afin que cela puisse leur servir dans la vie, comme cela m’a servi.’’ Ancien enfant des rues, Ninja a été initié à la capoeira en 2006 lors d’une visite de l’association brésilienne Capoeira Abada. Cette initiation a porté ses fruits puisque Dieudonné est devenu le premier instructeur de capoeira à Kinshasa. Dans l’avenir, il a le projet de créer sa propre école où il pourra entrainer les enfants en situation de vulnérabilté.

Le projet

Lancé en août 2014 par l’Unicef, l’Ambassade du Brésil et l’association Amade-Mondiale, le projet-pilote est mis en œuvre dans un CTO et un Centre de Jour de Goma et s’inscrit dans le cadre de la sortie massive d’enfants des groupes armés. Sur 12 mois, il est attendu que 1200 enfants puissent bénéficier de ce programme. Selon l’Unicef, 3 663 enfants sont actuellement associés aux forces et groupes armés, notamment dans les deux Kivu et le Katanga.