RNA-FIZI, une radio au service de la Paix et des réfugiés burundais du Camp de Lusenda au Sud-Kivu !

RNA-FIZI, une radio au service de la Paix et des réfugiés burundais du Camp de Lusenda au Sud-Kivu !
17 fév 2017

RNA-FIZI, une radio au service de la Paix et des réfugiés burundais du Camp de Lusenda au Sud-Kivu !

Lusenda, 16 février 2017 – Située sur l’une des petites collines qui surplombent l’immense camp des refugies burundais de Lusenda en Territoire de Fizi, la Radio Ngoma Ya Amani ou RNA-Fizi a vu le jour depuis le 6 novembre 2016. Comme la « Fréquence de la Paix » (entendez Radio Okapi), la Radio Ngoma Ya Amani – Tambour de Paix en Swahili poursuit un seul but : la promotion de la Paix et de la cohabitation pacifique entre les quelque 26,000 réfugiés burundais et les autochtones estimés à plus de 15,000 âmes. Lusenda, petite localité située à une soixantaine de kilomètres d’Uvira a vu sa population doubler du jour au lendemain, à cause de la crise burundaise qui a fait fuir des centaines de milliers de Burundais, dont certains ont pris la route de la RDC et du Sud-Kivu voisins. Lucien Kanana, Rédacteur en chef de RNA-Fizi raconte que la « situation était électrique au début entre refugies burundais et populations autochtones ; il y avait beaucoup de frictions entre les deux communautés du fait de l’occupation des terres par les réfugiés, mais aussi des coutumes des uns et des autres. Les Burundais ont leurs habitudes qui ne cadraient pas avec les coutumes locales ». En plus de cela, ajoute le patron de la rédaction de la RNA-Fizi, « il y avait aussi le problème de déboisement causé par les réfugiés qui cherchaient du bois de chauffe. Enfin, on avait noté beaucoup de stéréotypes sur les refugies burundais, ainsi qu’une peur liée à des infiltrations parmi ces réfugiés : c’est ainsi qu’est née l’idée de créer cette radio communautaire ».

Le représentant du Chef de Groupement de Balala-Nord est catégorique : « si cette Radio existe aujourd’hui », précise-t-il, « c’est grâce à nous tous : Monusco, Commission Nationale des Refugiés et Groupement de Balala. Il fallait absolument une radio communautaire, car la situation était presqu’intenable entre les populations locales et nos frères burundais. Sans oublier que nous sommes à un endroit très sensible ».
Depuis bientôt 4 mois et selon Emmanuel Bimenyimana, réfugié et comptable de la RNA-Fizi, Radio Ngoma Ya Amani a su s’imposer comme « LA » radio la plus écoutée ici, en l’absence de sondage scientifique ! Il explique cette place de « numéro un » par la facilité de capter la RNA : « il suffit d’aller sur la FM 90.0 et vous suivez nos émissions », explique-t-il, « ce qui n’est pas le cas des autres radios dont le signal est soit faible, soit en ondes courtes… C’est aussi parce que la RNA est la seule radio qui nous parle de nous, de la vie locale, de ce qui se passe au camp des refugies… ».

Treize personnes travaillent» à la rédaction de la RNA, dont 7 réfugiés burundais et 6 autochtones. La cohabitation se passe plutôt bien et les résultats sont impressionnants, renchérit le rédacteur en chef Lucien Kanana : « Près de 4 mois après l’installation de la radio, le constat est largement positif. Souvenez-vous, lorsque le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies Maman Sidikou était venu ici, la situation était critique entre refugies burundais et populations locales. Aujourd’hui, les choses ont positivement évolué Les tensions ont largement diminué grâce en grande partie aux types de programmes que nous diffusons ».

Justement, à propos des programmes de cette radio qui émet au total 9 heures par jour réparties en 2 tranches (4h30-9h le matin et 17h30-22h le soir), ceux-ci sont résolument tournés vers la promotion de la paix ; on y trouve des Magazines sur la promotion des droits de la Femme ; il faut dire qu’on observe de plus en plus de mariages entre les refugiées burundaises et les populations locales… D’où également des Magazines sur la culture burundaise et locale, des émissions sur l’environnement pour sensibiliser les refugies à la protection de la nature ; il y a même des cours d’alphabétisation en anglais, des émissions sur l’agriculture, l’élevage… Et beaucoup de musique naturellement. Le tout, en trois langues : Swahili, Kirundi et Bembe (langue locale). Un des moments forts de la journée reste le relais de BBC-Afrique et son Magazine en Swahili Good Morning Africa : ici, les familles des réfugiés restés au Burundi profitent pour envoyer de petits messages de réconfort à ceux qui ont fui le pays et se retrouvent au Camp de Lusenda… Mais « pas de débats politiques ou des sujets qui peuvent diviser », insiste le rédacteur en chef qui enchaine sur les nombreuses difficultés qui menacent (déjà) l’existence de la radio, alors même que les réfugiés demanderaient que la radio augmente ses heures de diffusion.

Si la radio dispose d’un groupe électrogène de plusieurs KVa et d’un puissant émetteur de 500 Watts offerts par un généreux partenaire et capable d’émettre jusqu’au Burundi et sur un rayon de 200 à 250 kilomètres, faire fonctionner la machine reste difficile du fait du manque de carburant… « La Monusco nous aide de temps en temps avec quelques litres, mais ce n’est pas suffisant », reconnait le comptable qui précise que la principale source de revenus reste les dédicaces de réfugiés : 200 francs congolais par dédicace, environ 7 centimes de dollars américains. 

Il y a également le délicat problème de la « motivation » des animateurs et journalistes qui travaillent tous bénévolement. Il y a risque de démotivation chez certains qui pourraient abandonner l’aventure. Le rédacteur en chef épingle enfin la formation même des animateurs de cette radio ainsi que des « difficultés relationnelles avec certains gestionnaires du camp des réfugiés qui ne nous facilitent pas l’accès au camp ». Une critique balayée par la Commission Nationale des Refugiés (CNR). Tout en reconnaissant l’utilité de la RNA-FIZI et ce qu’elle a apporté dans l’apaisement des tensions inter-communautaires, le délégué de la CNR explique que « même s’il s’agit d’un camp ouvert, il y a quand même un minimum de règles à respecter avant de s’y introduire pour venir réaliser ses activités ». Et d’ajouter, pour conclure : « tout ce que nous demandons à la RNA, c’est de se conformer aux règles en vigueur. Nous ne les empêchons pas de faire leur travail, bien au contraire, ils nous aident énormément ».

Texte et Photos: Jean-Tobie OKALA