Bijombo, l’impossible paix à trouver dans ce Groupement du Territoire d’Uvira !

Bijombo, l’impossible paix à trouver dans ce Groupement du Territoire d’Uvira !
21 avr 2017

Bijombo, l’impossible paix à trouver dans ce Groupement du Territoire d’Uvira !

Cela fait des années que les Communautés de ce Groupement situé en Territoire d’Uvira au Sud-Kivu s’affrontent pour des causes aussi politiques, administratives qu’inter-ethniques, sans jamais trouver de solution. La MONUSCO tente ses bons offices, mais les différents protagonistes campent sur leurs positions…

Uvira, le 21 avril 2017 – « Avant 1996, nous vivions en parfaite harmonie, il n’y avait ni xénophobie, ni violence communautaire, ni tribalisme, aucun problème… Mais depuis les différentes guerres qui ont secoué l’Est de la RDC et cette zone, tout est parti en branle… ». Voilà qui résume le fond du problème dans ce Groupement des Hauts Plateaux à une cinquantaine de kilomètres d’Uvira au Sud-Kivu. Celui qui s’exprime ainsi participe à la réunion organisée par la Société civile d’Uvira (avec ses deux composantes), avec la facilitation de la Section des Affaires civiles de la MONUSCO-Uvira. Réunion qui s’est tenue ce vendredi 21 avril 2017 au Quartier général de la Mission onusienne à Uvira. Preuve de l’importance des débats et de la tension qui secoue ce Groupement, le Président de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, Emile Kadudu a fait le déplacement de Bukavu pour assister spécialement à cette rencontre qui réunit quelques 90 participants, dont des membres du Comité des Sages d’Uvira et des Hauts Plateaux, des représentants des Communautés en conflit (Bafuliiru, Banyindu, Banyamulenge, Barundi, Bavira, et Babembe), de la Société civile ainsi que la MONUSCO représentée par le Chef du Sous-bureau d’Uvira, Ould Mohamed Elhacen et l’Administration du Territoire.

Pour les organisateurs de ce Forum, l’objectif est double : connaître les causes profondes de l’embrasement de cette localité, puis trouver des remèdes pour  y mettre fin, ou du moins atténuer la violence intercommunautaire en y instaurant un climat de paix et de cohabitation pacifique : celui-là même qui prévalait avant 1996 et que les jeunes générations risquent de ne pas connaitre. Car la dernière poussée de fièvre (janvier-avril 2017) entre les différentes Communautés n’a fait qu’exacerber des tensions déjà fortes et un sentiment de xénophobie qui tend petit à petit à s’installer dans l’imaginaire des uns et des autres. On parle ainsi de plus de 200 maisons brûlées lors des derniers évènements du début de ce mois, avec au moins 5 personnes tuées, près de 2000 autres sans abris et de nombreux déplacés…

De l’avis de beaucoup de participants, l’origine du problème est un conflit de pouvoir entre deux Communautés. Un problème d’administration du Groupement qui se double d’une autre dimension, sociale et forcément ethnique. A la lumière des interventions des uns et des autres, certains ont eu le sentiment d’une paix impossible, chaque Communauté campant sur ses positions. D’où une certaine exaspération du Président de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu et même de l’Administrateur de Territoire Assistant d’Uvira qui ont demandé aux participants « d’être sincères en disant la vérité », si l’on veut réellement aller vers la réconciliation.

 

Une vérité qui risque d’être difficile à trouver, tant les causes de ce conflit divergent d’une Communauté à une autre. Pour Patrick Ntebitshi de la Communauté des Banyamulenge, c’est le bicéphalisme à la tête du Groupement de Bijombo qui est source des conflits récurrents : depuis 1979 date de la création du Groupement de Bijombo, c’est « sa » Communauté qui a toujours dirigé ce Groupement, « il faudrait réhabiliter l’ayant-droit qui est toujours en vie et ainsi mettre fin à la dualité du pouvoir actuelle ». Argument balayé par les membres des autres Communautés qui pointent du doigt le changement d’attitude de leurs frères Banyamulenge depuis la guerre de 1996 qui a contribué à la chute du régime de Mobutu… Bref, quatre heures de débats plus tard, la réunion a accouché d’une Déclaration que les uns et les autres ont promis de vulgariser auprès de leurs bases respectives. Parmi les points saillants de cette Déclaration, on retiendra que les Communautés en conflit :

•      S’engagent à cesser toute hostilité à Bijombo et à « pacifier leur Entité martyrisée par des conflits sans précédent » ;
•        Demandent le retour dans leurs pays d’origine de tous les groupes armés étrangers ;
•        Sollicitent les Nations Unies et OCHA en particulier à venir en aide aux personnes sinistrées ;
•    Demandent aux autorités de diligenter une enquête dans un bref délai pour dégager les responsabilités des uns et des autres dans ces conflits à répétition…

Concluant les travaux, le Chef du Sous-bureau de la MONUSCO-Uvira a enjoint les participants à joindre l’acte à la parole : « que chacun s’engage réellement et en toute bonne foi à respecter la présente Déclaration en vue de sa mise en œuvre rapide et effective », leur a lancé Ould Mohamed Elhacen, tout en réitérant la disponibilité de la MONUSCO à accompagner toute initiative qui va dans le sens de la paix et de la réconciliation communautaire. Patrick Mugabe de la Communauté des Bafuliiru, satisfait, semblait du même avis et va plus loin : « la paix est possible, à condition que chacun refuse l’hypocrisie, la méfiance et le rejet de l’autre. A condition aussi que les autorités provinciales et nationales s’impliquent fortement dans la résolution de ce problème, en interdisant notamment l’utilisation des armes qui semble être devenue un loisir pour certains ».

Texte & Photos: Jean-Tobie Okala