Dans les Kivu, les victimes et survivants d’exploitation et d’abus sexuels prennent leur destin en main
Dans le cadre des efforts du système des Nations Unies pour mettre fin à l’exploitation et aux abus sexuels par les personnels onusiens, des projets sur le terrain placent les victimes et les survivants au cœur de la réponse.
C’est ainsi qu’ont été créés les réseaux communautaires de signalement des plaintes (CBCM), lesquels sont des systèmes de signalement ancrés au sein d'une communauté, conçus pour être sensibles à la culture et au genre, afin de maximiser leur efficacité.
Ces mécanismes ont pour objectif l’autonomisation des communautés locales et le soutien aux victimes à porter plainte sans peur de représailles ou stigmatisation. La proximité des CBCM avec les victimes et les survivants leur permet de participer à des conversations privées entre pairs et ainsi permettre de porter plainte à l’Unité de Conduite et Discipline.
Récemment, l’équipe de Conduite et Discipline de la MONUSCO a initié un projet d’aide aux vulnérables en mai 2018 à Sake, ville située à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Goma et important carrefour commercial du Nord-Kivu, et à Bujovu, quartier de Goma, dans le cadre de la mise en œuvre de son programme d’assistance aux victimes.
« Avant d’arriver dans ce centre pour apprendre la couture, j’étais prostituée à Sake. A présent, je sais que je vais pouvoir enfin prendre mon destin en main », explique B*, l’une des bénéficiaires de l’un de ces projets. Assise devant sa machine à coudre, un pagne coloré sous les mains, elle se fait la porte-parole d’une dizaine d’autres femmes de la communauté. Autant de visages radieux qui prouvent que sortir de l’ornière et se reconstruire à travers un projet se révèle vital.
Dans ce lieu dédié et inauguré en mai dernier, quelque 130 femmes sont réparties dans trois ateliers : apprentissage de la coupe-couture, boulangerie-pâtisserie et culture de champignons. Ces projets ont en effet pour but de renforcer les communautés via la formation professionnelle des jeunes et des femmes victimes et/ou exposées à l’exploitation et aux abus sexuels et à toute autre forme de violence. Cette initiative vise ainsi à faciliter le retour et la réinsertion des jeunes et des femmes victimes dans leur milieu d’origine.
« Grâce à la sensibilisation et au travail de notre réseau communautaire de signalement des plaintes, ma communauté est plus stable aujourd’hui. Je suis fière des progrès que nous avons accomplis tous ensemble », a notamment déclaré Charlotte Kurusumu Muongo, présidente du réseau communautaire de signalement des plaintes de Sake.
A Bujovu, l’un des quartiers de Goma particulièrement affecté du fait de sa proximité avec les installations de Nations Unies, le réseau communautaire de signalement des plaintes fonctionne particulièrement bien. « Depuis 2016, nous avons sensibilisé plus de 8.000 habitants du quartier », explique son président, Célestin Bahemuke. « Ainsi, les cas d’exploitation et d’abus sexuels ont diminué de façon drastique », se félicite-t-il. Grâce à cette mobilisation de la communauté pour prévenir l’exploitation et les abus sexuels, un projet en faveur des victimes a aussi pu y être implanté en août 2018. Une vingtaine de femmes vulnérables y suivent des cours de coupe-couture, comme J., qui estime que sa vie a changé grâce à ce programme de soutien aux victimes : « Je sais maintenant coudre des vêtements simples et je n’ai plus besoin d’avoir recours à la prostitution pour subvenir à mes besoins ».
Depuis 2013, la MONUSCO travaille avec les communautés afin que « non seulement les populations, mais également le personnel, soient mieux protégés des conséquences dévastatrices qui pourraient découler de ces interactions », a rappelé Adama Ndao, cheffe de l’unité Conduite et Discipline de la MONUSCO.
Financés à hauteur de 175.000 dollars américains par le fonds d’affectation spéciale en faveur des victimes d’exploitation et d’abus sexuels, sur contribution du Japon et de la Norvège, ces projets concernent les provinces du Nord et du Sud-Kivu, notamment Bujovu, Munigi et Sake (Nord-Kivu) et Kavumu (Sud-Kivu).
*Afin de préserver l’anonymat des bénéficiaires, seule l’initiale des prénoms est conservée.