Le Conseil de sécurité a quitté le Burundi « insatisfait » de ses contacts avec le pouvoir

25 jan 2016

Le Conseil de sécurité a quitté le Burundi « insatisfait » de ses contacts avec le pouvoir


Bujumbura, le 23 janvier 2016

– La délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies arrivée à Bujumbura, la Capitale burundaise le jeudi 21 janvier 2016, a quitté le pays ce vendredi tard dans la soirée, au terme d’une visite de 24 heures qui a laissé les diplomates onusiens sur leur faim !

Preuve des espoirs douchés et déçus, c’est sous une fine pluie que la délégation forte de 33 membres s’est envolée de l’aéroport de Bujumbura pour Addis-Abeba en Ethiopie où elle devait rencontrer la Commission de l’Union africaine ce samedi 23 janvier 2016, avant de retourner à New-York. Si les contacts et rencontres avec les Burundais ont été nombreux durant ces 24 heures de visite, en revanche, il faut bien reconnaitre que le menu de ceux-ci est fretin : le pouvoir en place ayant poliment mais fermement rejeté toutes les offres de la délégation onusienne.

Signes avant-coureurs…
Le scenario de l’échec (annoncé ?) de cette visite était déjà dans les détails. A commencer par l’aéroport international de Bujumbura où c’est le Maire de la Ville, Freddy Mbonimpa, qui est venu accueillir les diplomates onusiens ! Ensuite, le lieu de rendez-vous avec le Chef de l’Etat qui a changé, passant ainsi de Karuzi à près de 160 KM à la frontière avec la Tanzanie à Gitega à une centaine de kilomètres au centre du pays. Puis, le refus de Bujumbura à la délégation de se rendre au lieu du rendez-vous par hélicoptère affrété par la Mission des Nations Unies en RDC (Monusco). Pour le pouvoir, « il fallait montrer à la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU que le peuple est massivement derrière et avec son Président élu démocratiquement », explique un observateur de la scène burundaise.
De fait, presque tout au long des deux heures de route qu’a duré le voyage de Bujumbura à Gitega, l’on pouvait voir des milliers de personnes amassées le long de la route et arborant des pancartes dont les messages étaient tous en anglais : « Le Burundi est en paix » ; « Burundi : une nation, une langue. Il n’y aura pas de génocide » ; « Soutien total à nos Forces de défense et de sécurité » ; « la seule voie d’accéder au pouvoir est les élections, non par la violence »…


Dialogue de sourds…

Des messages qui en disaient long sur la position de Bujumbura par rapport aux demandes du Conseil de sécurité des Nations Unies. A savoir, l’amorce d’un dialogue incluant tous les Opposants, y compris ceux vivant en dehors du pays ; une médiation internationale avec l’appui des Nations Unies ou encore l’envoi d’une Force de l’Union africaine de quelque 5000 hommes. A toutes ces propositions de la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU, le Président Pierre Nkurunziza a opposé une fin de non-recevoir. S’il a feint d’accepter l’idée d’un dialogue, c’est seulement avec l’Opposition qui vit au pays. « Nous n’allons pas dialoguer avec des gens qui ont pris des armes pour renverser le pouvoir démocratiquement élu » a-t-il martelé en Kirundi, après avoir refusé de s’exprimer en français ni même en anglais au terme de 2heures et demi de réunion avec la délégation onusienne. Au sujet d’une (nouvelle) médiation internationale, c’est à celle conduite par le Président ougandais Yoweri Museveni qu’il dit faire plus confiance. Enfin, concernant l’éventuel envoi de troupes de l’Union africaine pour protéger les populations civiles contre les violences que beaucoup dénoncent depuis avril 2015, le Président dit ne pas en voir l’utilité, « le Burundi, pays souverain, est en paix ».

La réalité semble un peu plus différente que cela, avec plus de 400 personnes qui ont perdu la vie depuis le déclenchement de cette crise et plus de 200,000 autres qui ont fui le Burundi pour se réfugier à l’étranger, dont près de 20,000 dans les deux Territoires congolais de Fizi et d’Uvira en Province du Sud-Kivu. Par ailleurs, il se passe rarement une nuit sans que les habitants de Bujumbura n’entendent des détonations de grenades et autres explosions. Bujumbura qui enfin a des allures d’une Ville en « état d’urgence » à la nuit tombée, où les seules personnes que l’on peut rencontrer dans les rues sont des policiers et des militaires lourdement armés…

Avant de quitter Bujumbura, les Représentants français (Alexis M. Lamek), angolais (Ismael A. Martins) et américain (Samantha J. Power) ont tous réitéré la position de l’Organisation mondiale : la nécessité d’un dialogue inclusif pour apaiser les tensions. La comunauté internationale, les Nations Unies, ont-ils souligné, ne peuvent pas accepter que la violence s'installe dans ce pays qui revient de loin... Samantha Jane Power, Représentante permanente des Etats-Unis auprès des Nations Unies, tout en rappelant « la position de mon pays qui est qu’un Président ne peut faire que deux mandats selon les Accords d’Arusha », s’est voulu néanmoins optimiste. Diplomate, elle a toutefois parlé de « visite fructueuse » avant de déclarer que son « impression est que le Président Nkurunziza semble avoir entendu le message des membres du Conseil de sécurité qui est qu’il faut savoir prendre des décisions difficiles pour le bien du pays » ! Mais au final, on retiendra que Bujumbura n'aura pratiquement cédé sur rien.

Jean-Tobie Okala

Photos: Papy AMANI