Sud-Kivu : Des ex-combattants relancent une coopérative laitière avec l’appui de la MONUSCO

Photo MONUSCO/Sy Koumbo

7 oct 2022

Sud-Kivu : Des ex-combattants relancent une coopérative laitière avec l’appui de la MONUSCO

Sy Koumbo Singa Gali

Grâce à ses fonds visant la réduction des violences communautaires, la section de désarmement (DDRRR) de la MONUSCO a appuyé la relance de la Coopérative laitière de Bwegera (COOLB), une petite localité du groupement Kakamba, dans la plaine de la Ruzizi, à 65 km de Bukavu, dans le sud de la province du Sud-Kivu. 
 

La Coopérative laitière de Bwegera regroupe 50 jeunes de la région, parmi lesquels une dizaine d’ex-combattants, mais aussi une vingtaine de femmes et jeunes filles vulnérables ainsi que des jeunes à risque. Sa création visait à aider ces jeunes à sortir du schéma de la violence pour s’adonner à des activités licites dont la finalité peut être bénéfique pour l’ensemble de la communauté. 
 

Bwegera est une zone d’élevage par excellence où le lait reste un des aliments de base de la population. Déjà, aux abords de la route nationale numéro 5 (RN5) qui traverse cette bourgade de part en part et qui va jusqu’à Bukavu, en passant par Kamanyola, on peut apercevoir des vendeuses de lait qui proposent des bidons de cinq litres de lait caillé aux voyageurs.

 

Malheureusement, la majorité des jeunes de cette localité, et en général de la plaine de la Ruzizi, présentent des risques de rejoindre les groupes armés, s’ils ne s’y trouvent pas déjà. Les autorités expliquent cela par le manque d’emploi, mais aussi l’argent facile obtenu grâce à la détention d’armes de guerre.

 

La plaine est d’ailleurs réputée être un repère de Mai-Mai et autres bandits de grand chemin qui, tapis dans les montagnes environnantes, sortent une fois la nuit tombée pour s’attaquer aux paisibles voyageurs en pillant leurs marchandises, tuant parfois, et enlevant ceux des plus nantis dont la libération se fera contre une rançon.

 

La relance de la COOLB devrait « grandement aider à réduire les violences communautaires dans la région, réinsérer les ex-combattants et relever économiquement les communautés », estime Gustave Sadiki, directeur exécutif de l’ONG Gradem (Gestion rationnelle des ressources naturelles et action pour la défense des minorités), partenaire de la MONUSCO dans la mise en œuvre de ce projet.

 

Un projet abandonné en 2019

 

Le projet de la laiterie de Bwegera avait démarré en 2019 grâce à l’accompagnement de l’ONG Alert international, laquelle avait reçu un financement du fonds de stabilisation à travers la Stratégie internationale de soutien à la sécurité et la stabilité (I4S). La Coopérative avait été dotée d’un certain nombre de matériel de transformation, notamment d’un pasteurisateur, d’un refroidisseur, d’un tank de réception, d’un frigidaire, etc. Malheureusement, le projet a été abandonné après le départ d’Alert de la région.

 

En septembre 2021, la MONUSCO entre en jeu à travers le DDRRR, après que les jeunes ont exprimé le besoin de rendre opérationnelle la laiterie. Dès lors sera mise en place la deuxième phase du projet, appelée « Projet complémentaire d’opérationnalisation de la laiterie de Bwegera ».

 

Grace aux fonds de Réduction des violences communautaires (CVR), d’une valeur de 50.400 dollars américains, les machines tombées en panne faute de fonctionnement avaient été réparées et renforcées. Un système d’électrification solaire a été aussi installé, suppléé par un groupe électrogène de 20 KVA. Deux motos et huit vélos seront aussi achetés et mis à la disposition de la coopérative pour la collecte du lait.

 

Au mois de janvier 2022, les bénéficiaires avaient reçu une formation en transformation du lait (yaourt, lait caillé et fromage), grâce à des experts venus de Bukavu et Goma. La formation avait été étendue aussi à l’hygiène des lieux, à la conservation et à la gestion des conflits.

 

C’est forte de tous ces acquis que la coopérative a pu démarrer ses activités en mars 2022. Aujourd’hui, l’usine tourne à plein régime. Sur les 50 membres de la coopérative, huit sont salariés à plein temps et payés sur les fonds du projet.

 

Pour le président de la COOLB, Safari Romeka, ce projet a changé leurs vies et celle de leur communauté.  

« Le fait de travailler ensemble (ex-combattants, femmes vulnérables et jeunes à risque) a permis de raffermir leurs relations et de ramener la cohésion sociale », a-t-il expliqué.

 

Davantage d’autonomie pour les femmes

 

Safari Romeka affirme aussi que ce projet a permis aux femmes qui y travaillent d’être davantage considérées au sein de leurs communautés. Selon lui, certaines occupent des postes à responsabilité au sein de la coopérative, notamment une qui est à la comptabilité et une autre qui contrôle le processus de transformation du lait du début à la fin. « C’est une fierté pour tout le monde », a-t-il dit.

 

Par ailleurs, une cinquantaine de femmes vendeuses de lait ont aussi été intégrées au projet. Elles servent d’intermédiaires en collectant du lait auprès des éleveurs pour le revendre à la COOLB, entre 6000 et 8000 FC le bidon de cinq litres. Les collecteurs de la coopérative, eux, les récupèrent au point de collecte fixé par ces femmes.

 

La MONUSCO a intégré le volet des vendeuses de lait pour ne pas casser le marché de ces femmes, lesquelles, aujourd’hui, bénéficient de la régularité de paiement de la coopérative pouvant ainsi continuer à travailler et subvenir facilement aux besoins de leurs familles.

 

« La coopérative de la laiterie de Bwegera, l’unique usine de transformation de lait dans toute la plaine de la Ruzizi, produit aujourd’hui au moins 200 litres de yaourt par jour, revendu sur le marché local », indique Gustave Sadiki, président de la COOLB.

 

Il ajoute que la coopérative se bat aujourd’hui pour étendre ses points de vente à Uvira, Kamanyola, Bukavu, Luvungi, Sange et ailleurs dans la plaine de la Ruzizi. M. Sadiki appelle en outre la MONUSCO à continuer à appuyer la coopérative pour permettre à ses membres de développer d’autres activités connexes.