Désenclavement du territoire de Shabunda au Sud-Kivu : Un défi à relever

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4 juil 2011

Désenclavement du territoire de Shabunda au Sud-Kivu : Un défi à relever


Bukavu, 4 juillet 2011 - Première mission jamais conduite par l'ONU, une délégation forte de 17 civils de la Mission de l'ONU pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), du Bureau des Nations Unies pour les Services d'Appui aux Projets (UNOPS), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l'Office des Routes, ainsi qu'une quarantaine de soldats de la brigade du Sud Kivu, a sillonné l'Axe Bukavu Shabunda du 12 au 17 juin 2011.

Le but de cette sortie était d'évaluer l'état d'avancement des travaux d'aménagement de la route ainsi que la situation sécuritaire de la zone en vue d'apprécier l'opportunité de la restauration de l'autorité de l'Etat et la faisabilité de la mise en place d'une base militaire de la MONUSCO dans la localité de Kigulube.

D'une longueur d'environ 363 km, la voie Bukavu-Shabunda est l'un des trois axes routiers prioritaires de la Stratégie internationale de Soutien à la Stabilisation et la Sécurité dans l'Est de la RDC (ISSSS). En effet, les travaux entrepris par l'Office des Routes, l'UNOPS, le Département pour le Développement international (DFID) du Royaume-Uni, et la MONUSCO pour réhabiliter cette voie, entrent dans le cadre du désenclavement des zones reculées en vue du rétablissement de l'autorité de l'Etat dans ces territoires où les derniers contacts avec l'extérieur datent des années 1980, selon la population locale.

Après les travaux de dégagement et d'ouverture de l'axe, une seconde phase de réhabilitation durable va être mise en œuvre par l'UNOPS avec le financement du DFID.

L'état de la route

Cette voie demeure peu praticable, notamment pour les véhicules gros porteurs en raison de son état boueux et rocheux, entravant par endroits la circulation d'engins motorisés, à l'exception des véhicules 4x4 qui peuvent s'y aventurer.

Sur le tronçon Bukavu-Lubimbi II, la route en terre battue est en bon état et demeure praticable pour la plupart des voitures. Ainsi, le convoi a pu parcourir les 64 km de trajet entre Bukavu et Lubimbi-II en une journée, soit le premier jour de la mission. Par contre, le parcours Lubimbi II-Byongama est dans un état de quasi-impraticabilité. Il en est de même pour le tronçon Lubimbi II-Ysezia, long de 22 km, où les travaux sont toujours en cours. La vingtaine de kilomètres de ce trajet a été parcourue en une journée entière, tout comme le trajet de Ysezia à Kigulube, long de 34 km.

Le trajet Kigulube-Nyankovu long de 44 km s'avère difficile au début, mais s'améliore au fur et à mesure que l'on s'approche de Nyankovu. Il a pu être parcouru en une journée. L'itinéraire de Nyankovu à Shabunda (119 km), en passant par Byongama est d'assez bonne qualité et élargi, permettant un parcours en une dizaine d'heures.

Les travaux de réhabilitation sont répartis entre la compagnie d'ingénierie bangladaise pour l'axe Mubone-Lubimbi II, l'Office des Routes pour l'axe Lubimbi II-Isezia et l'UNOPS pour l'axe Ysezia-Shabunda. Ces structures utilisent pour la plupart des travaux, des moyens mécaniques sauf à partir d'Ysezia où l'on a noté un recours important à la technique de « Haute Intensité en main d'œuvre » par 23 sous-traitants qui ont engagé près de 600 ouvriers dans les localités traversées par cette route.

Restauration de l'autorité de l'Etat

Les différentes rencontres avec les autorités administratives, policières et militaires ainsi qu'avec la société civile de Nzibira, Kigulube, Byangama, Katchungu et Shabunda, ont permis de constater que le redéploiement des Forces armées de la RDC (FARDC) dans le cadre de la formation de nouveaux régiments a laissé un vide sécuritaire le long de l'axe Bukavu-Shabunda, ce qui a ouvert la voie aux groupes armés, notamment des éléments incontrôlés identifiés par les populations comme étant des Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et des Mai Mai pour organiser des attaques sporadiques le long de l'axe et dans les villages environnants. Ces derniers qui sont surtout à la recherche de nourriture ou d'argent, prennent souvent des populations en otage, les hommes pour transporter les butins, les femmes comme esclaves sexuelles. Les localités de Lulingu et Nzovu auraient été particulièrement touchées. La situation sécuritaire est relativement calme sur l'axe mais durant cette traversée, il a été rapporté par les différentes autorités rencontrées que des villages traversés tels que Lubimbi-II et Nzovu, dans les environs du parc national de Kahuzi-Biega, ont été visités et pillés par des hommes en armes après le passage du convoi de l'ONU. Byangama et Katchungu ont beaucoup souffert des exactions des éléments FDLR qui leur imposent des taxes où brûlent leurs cases comme cela a été déjà le cas en 2010.

Les bâtiments administratifs sont généralement dans un état de délabrement avancé ou inexistant. A Nyankovu, par exemple, il n'y a aucun centre de santé dans la localité ni dans ses environs. Les écoles sont dans un état précaire. La dernière attaque des FDLR dans la localité de Mizombo, collectivité Wakabango I, dans le territoire de Shabunda, s'est soldée par une personne tuée, sept autres dont deux femmes prises en otage et plusieurs biens pillés. Selon les représentants de la société civile du territoire de Shabunda, la population fatiguée de ces attaques, a décidé de se prendre en charge en poursuivant ces assaillants dans leur retranchement.

Pour les autorités de Kigulube, la priorité reste avant toute chose l'ouverture de la route qui facilitera le commerce, la circulation des populations ainsi que l'arrivée des ONG pouvant soutenir des projets de développement communautaire. La restauration de l'autorité de l'Etat étant reléguée au second plan.

L'établissement d'une base de la MONUSCO sur l'axe

L'administrateur de Shabunda recommande vivement la présence de la MONUSCO le long de l'Axe Bukavu-Shabunda par l'extension des patrouilles dans la direction de Katchungu et Lulingu. Les ONG rencontrées à Shabunda, et Kigulube ont aussi estimé qu'une présence Onusienne à mi-chemin sur l'axe encouragerait le trafic. A cet égard, Kigulube à 192 km à l'Ouest de Bukavu serait un bon emplacement.

Dans les localités traversées, il a été observé, une faible présence voir l'inexistence de la police nationale congolaise et des FARDC. Il va sans dire que la présence d'une administration locale n'est pas envisageable sans l'existence des services sociaux. Dans toute cette zone, il a été observé des mouvements de population depuis le lancement en mai 2009 de l'opération Kimia II des FARDC. En effet, aux problèmes de sécurité se sont greffés des problèmes de santé et de nutrition.

Espérances des populations

Néanmoins, durant la traversée, des hommes, des femmes et des jeunes qui n'avaient pas encore vu un véhicule de leur vie, sortaient spontanément avec des chants, des danses et des cris de joie pour remercier l'ONU. Ils sont convaincus que cette traversée aura des retombées positives au plan économique, sécuritaire et sur l'amélioration des services publics.

Biliaminou Alao/ MONUSCO