Maman Sambo Sidikou: La politique de « Tolérance zéro» n’est pas un simple slogan !

Maman Sambo Sidikou. Chef de la MONUSCO

Maman Sambo Sidikou. Chef de la MONUSCO. Credit Photo: MONUSCO

14 aoû 2017

Maman Sambo Sidikou: La politique de « Tolérance zéro» n’est pas un simple slogan !

La rencontre initiée par l’Equipe de Conduite et discipline, le 23 février, avec le leadership de la Mission et du Système des Nations Unies a confirmé l’engagement du Chef de la MONUSCO à prévenir et répondre vigoureusement aux actes d’exploitations et d’abus sexuels, commis par le personnel de maintien de la paix et les travailleurs humanitaires. C’est ce que Maman Sambo Sidikou nous a confirmé, dans cet entretien avec Aïssatou Laba Touré.

Les Nations Unies prennent les allégations d’atteintes et d’exploitation sexuels perpétrés par son personnel très au sérieux. En tant que Chef de la MONUSCO, comment ces allégations affectent-t-elle vos personnels et la capacité de la Mission à remplir son mandat ?
Maman S. Sidikou : Les atteintes et exploitations sexuelles  constituent des fautes et manquements d’une extrême gravité et parmi les actes les plus abjectes qu’un membre du personnel de notre organisation pourrait se rendre coupable. Elles affectent notamment sa  vie privée, sa situation économique et sociale ainsi que sa carrière professionnelle. Mais surtout,  ces abus intolérables portent gravement atteinte à l’image et à la crédibilité de la Mission, avec pour conséquences d’éclipser les résultats positifs obtenus.

Comment abordez-vous la question dans vos interactions quotidiennes avec vos personnels civils et en uniforme ?
Ma détermination à limiter au maximum les cas d’actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par le personnel de la MONUSCO, civil ou militaire, fait partie des priorités quotidiennes de mon travail. La politique de “Tolérance zéro” édictée par le Secrétaire général des Nations Unies à ce sujet est clairement connue du personnel et je veille à son application sans faille. Je ne manque jamais l’occasion de rappeler au personnel de la Mission, à tous les niveaux, cette disposition ainsi que les mesures prises pour la mise en œuvre de ces directives afin de décourager la commission de tels actes.

Pour rappel, ma première note de service dès ma prise de fonction, en novembre 2015, concernait le renforcement de la politique de “Tolérance zéro”. Aussi, durant mes visites de familiarisation, les réunions générales avec le personnel de la Mission que j’organise régulièrement, je tiens à m’adresser à tous en évoquant les dispositions qui sont prévues dans ce domaine  ainsi que leurs conséquences sur ceux qui s’aventurent sur ce chemin périlleux. Je préviens aussi les risques auxquels s’expose  le personnel,  en engageant des actions préventives, notamment  par la publication régulière d’une liste des “endroits  à ne pas fréquenter”, des lieux de haute prostitution, afin d’éviter les opportunités de s’engager dans ces activités interdites. 

Par ailleurs, la Chef de l’équipe de Conduite et Discipline  me fait le point chaque trimestre sur la mise en œuvre de la stratégie avec des recommandations pertinentes. En concertation avec mes adjoints, les chefs des composantes et les directeurs responsables. J’oriente et donne des directives et instructions nécessaires pour appuyer le programme de prévention, du traitement et de redressement des cas d’exploitation et abus sexuels. Je fais également le point sur les mesures administratives conservatoires et sanctions prises durant la période des enquêtes et processus disciplinaires, contre ceux qui sont impliqués dans des allégations d’atteintes et/ou d’exploitation sexuelles.

Que dites-vous à ceux qui affirment que ces actes sont commis en toute impunité?
Je leur dirais que nous avons mis en œuvre la politique de “Tolérance zéro” dans cette  Mission et depuis que je suis ici, je peux affirmer que tous les cas rapportés ont fait l’objet d’une évaluation rigoureuse de mon équipe de déontologie et de discipline. Lorsque les informations reçues sont suffisantes et susceptibles d’être constitutives de faits d’atteintes  et/ou d’exploitation sexuelle, j’ordonne l’ouverture d’une enquête par les services compétents. Le cas échéant, je demande que la personne soit immédiatement suspendue de ses fonctions. En ce qui concerne le personnel en uniforme ou mis à la disposition de la Mission par leurs gouvernements, je demande la suspension du paiement des émoluments et  indemnités perçus de l’organisation ;  et ce, aussi bien pour individus que pour la contrepartie versée à leurs pays, conformément aux directives de l’Assemblée Générale de l’ONU. Je m’assure également par l’intermédiaire du Département d’appui aux Missions de terrain basé au siège de l’ONU que les sanctions prévues sont prises par les services compétents.

A ce jour, toutes les personnes de toutes catégories impliquées dans des cas d’abus et Ed’exploitation Sexuels  ont toutes été suspendues sans exception. En ce qui concerne les fonctionnaires, au-delà de leur suspension de service, le département de gestion des Ressources humaines peut autoriser la suspension temporaire complète ou partielle de leur salaire et autres émoluments. C’est  l’occasion de rappeler que la MONUSCO est au service de la population congolaise et que nous ne tolèrerons aucun acte contraire à notre vocation. Nous informerons désormais davantage sur les suites des enquêtes et les sanctions infligées aux coupables d’abus et d’exploitation sexuels. Nous invitons d’ailleurs toute personne ayant subi quelque violence ou abus que ce soit à  dénoncer ces actes répréhensibles.

Comment rendre possible une justice visible et porteuse de message ?
Il est important de comprendre que les Abus et Exploitation Sexuelles sont des fautes administratives et professionnelles très graves et prises très au sérieux par notre organisation, de par leur nature et les possibles conséquences malheureuses sur les victimes et sur l’image de l’ONU. Elles sont également complexes et sensibles mais ne sont pas toujours malheureusement constitutives de crimes ou délits dans plusieurs pays, notamment lorsqu’il s’agit de faits de prostitution ou de transactions sexuelles de quelque forme que ce soit. Par conséquent, les procédures sont d’ordre disciplinaire et administratif essentiellement. Cependant, ces faits peuvent être constitutifs de crime lorsqu’il s’agit d’une victime mineure. Il est évident que lorsqu’un membre du personnel sera reconnu coupable de faits criminels, des dispositions sont prévues pour s’assurer qu’il réponde de ses actes devant les juridictions compétentes dans son pays ou dans le pays hôte, selon le cas.
 
M. le Représentant spécial, en tant que fonctionnaire, mais aussi en tant qu’homme et père de famille, quel est votre message à l’attention de ces hommes qui commettent de tels abus ?
Madame, je n’ai aucun message particulier pour ces ignobles personnes ! Lorsque je recevrai la confirmation  qu’ils ont commis ces actes, ils  seront déjà en dehors du système, chez eux ou en train de remplir les formulaires et procédures de séparation. Ils n’auront qu’à subir les conséquences de leurs actes.  La politique de “Tolérance zéro” n’est pas un simple slogan !

Chère Aïssatou, je suis père en effet, je suis aussi fonctionnaire international et le responsable désigné chargé de la discipline de tous les personnels déployés au sein de la MONUSCO, toutes catégories confondues, qu’ils soient en uniforme ou en civil.  A ce titre, je suis responsable devant le Secrétaire général de la mise en œuvre de la politique des Nations Unies, en matière disciplinaire et administrative.  Mais aussi et surtout, je suis personnellement un ardent protecteur des enfants et défenseur du respect de la dignité des femmes et filles. Mon passage à l’UNICEF il y’a plusieurs années m’a particulièrement sensibilisé sur cette problématique. Il faut savoir que je suis toujours profondément contrarié de recevoir un rapport qui fait état de ces actes commis par un membre du personnel. Je ne peux comprendre que, hélas, une minorité inconsciente  parmi nous, puisse profiter de la vulnérabilité de cette couche de la population affectée par ces années de conflits : celles et ceux qui viennent  vers nous, auprès de nos bases,  de nos bureaux pour chercher protection ; ceux et celles dont nous avons la charge de veiller sur leur sécurité et leur intégrité ! Je suis attristé de constater que certains parmi nous peuvent être égarés au point de penser et d’entretenir des relations sexuelles avec ces personnes déjà si vulnérables.

Aucune excuse ne peut justifier de tels actes et je demande tout simplement à ceux et celles qui seraient tentés, de se raviser et je dis STOP !   

Je sens effectivement votre indignation, vous vous êtes d’ailleurs souvent exprimé publiquement sur la question et votre parole a fait échos. Quels progrès avez-vous enregistré dans ce domaine, depuis votre arrivée à la tête de la MONUSCO?

Nous avons renforcé nos activités de sensibilisation auprès des populations qui savent maintenant comment et où rapporter ces faits. C’est ainsi que des cas qui étaient méconnus pendant des années sont rapportés, et des enquêtes menées conséquemment. Aussi, nous observons un changement significatif de comportement aussi bien au niveau de notre personnel que des communautés vulnérables. J’ose croire que d’ici la fin de l’année, nous serons en mesure de voir l’impact de notre nouvelle approche par la constatation d’une réduction drastique de tels actes et par ricochet, une baisse notable du nombre de plaintes et d’allégations reçues à la MONUSCO.